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La taxe Zucman sur les ultra-riches rapporterait 20 milliards d'euros, vraiment? Sept économistes en doutent fortement (ce serait 4 fois moins selon eux)

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Si Gabriel Zucman assure que sa taxe sur les très hauts patrimoines rapporterait 20 milliards d'euros par an, plusieurs économistes estiment que le rendement effectif serait quatre fois moins élevé.

C'est la mesure phare de la gauche pour réduire le déficit public. Et aussi celle qui suscite le plus de débats ces derniers jours. Alors que le nouveau Premier ministre Sébastien Lecornu cherche des milliards d'euros d'économies dans le cadre du budget 2026, la taxe Zucman permettrait à elle seule de dégager jusque 20 milliards d'euros de recettes par an, selon ses promoteurs. À commencer par celui qui en est à l'origine, l'économiste Gabriel Zucman.

Pour rappel, son dispositif prévoit de taxer à hauteur de 2% les patrimoines de plus de 100 millions d'euros et concernerait 1.800 foyers fiscaux. Problème, le rendement de 20 milliards d'euros avancé par Gabriel Zucman est loin de convaincre tous ses pairs.

Dans une tribune publiée dans Le Monde, sept d'entre eux (parmi lesquels Philippe Aghion, professeur au Collège de France, Christian Gollier, directeur de l'École d'économie de Toulouse ou encore Xavier Jaravel, professeur associé à la London School of Economics) jugent l'évaluation de Gabriel Zucman surestimée. Eux tablent plutôt sur des recettes de l'ordre de 5 milliards d'euros. Principale raison: les réponses comportementales des contribuables visés par la taxe. Certains pourraient être poussés à l'exil tandis que d'autres mettraient en place des stratégies d'optimisation fiscale pour échapper à l'impôt.

Un rendement 4 fois moins important?

Pour étayer leur propos, les sept économistes s'appuient notamment sur une récente étude du Conseil d'analyse économique (CAE).

En observant l'impact d'impôts sur la fortune mis en place par le passé en France, et surtout au Danemark et en Suède, cet organisme de recherche indépendant rattaché à Matignon note d'abord que si l'exil fiscal lié à cette mesure a un "effet marginal" sur l'activité économique, le phénomène ampute tout de même les recettes attendues de manière non négligeable.

En l'occurence, "pour chaque euro de recette mécaniquement prélevé par une hausse de la fiscalité sur les hauts patrimoines", 20 centimes disparaissent en raison de la fuite d'une partie des contribuables concernés.

Mais plus que l'exil fiscal, ce sont les comportements d'optimisation qui font perdre le plus de recettes à long terme: 54 centimes s'évaporeraient en cas de hausse de la fiscalité d'un euro. Au final donc, un total de 74 centimes manqueraient à l'appel. Dit autrement, le rendement effectif s'élèverait à 26 centimes, soit quatre fois moins que les recettes espérées, d'où l'estimation de 5 milliards et non de 20 avancée par les économistes dans leur tribune au Monde.

Les Experts : Taxer les hauts patrimoines, Zucman alerte - 02/09
Les Experts : Taxer les hauts patrimoines, Zucman alerte - 02/09
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"Il n'y aura pas de possibilité d'échapper à l'impôt"

"La taxe Zucman constituerait certes un dispositif inédit, et il est impossible de savoir si les comportements d’optimisation ou d’exil différeraient de ceux observés par le passé dans d’autres contextes", reconnaissent malgré tout les économistes. Mais "il paraît toutefois plus prudent de fonder les estimations de recettes fiscales sur des hypothèses intégrant des réactions comparables à celles constatées lors de réformes antérieures, plutôt que de se limiter à un calcul purement mécanique".

S'il n'ignore pas ces phénomènes d'exil et d'optimisation fiscal, Gabriel Zucman assure cependant qu'il ont été rendus possibles par des réformes mal calibrées: "L'impôt sur la fortune tel qu'il a été pratiqué en France comme dans la plupart des autres pays européens ne fonctionnait pas: il était truffé d'exonérations, de plafonnements, de déduction qui sont autant de machines à optimisation. Donc si on se fonde sur cette expérience passé, oui il n'y a pas énormément de recettes fiscales à attendre d'un impôt sur les grandes fortunes", a souligné l'économiste sur France 5.

Lui assure justement défendre une mesure qui permettrait d'éliminer toutes ces failles: "Ce que je propose, c'est de faire l'inverse: l'ISF commençait à un million, là on commencerait à 100 millions et en échange il n'y aurait aucune exonéraiton ou déduction quelle qu'elle soit", a-t-il détaillé, affirmant qu'"il n'y aura pas de possibilité d'échapper à l'impôt. D'où un rendement espéré significatif".

https://twitter.com/paul_louis_ Paul Louis Journaliste BFM Eco