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Les jouets stars des années 90. Le Tamagotchi, ce phénomène de société, qui a rendu fou les enfants (et leurs parents)

Le Tamagotchi fait son retour en France.

Le Tamagotchi fait son retour en France. - AFP

[Episode 1/6] Le Tamagotchi a été une star des années 90. Plus que cela, ce jouet interactif est même devenu un phénomène de société étudié par des scientifiques qui le considéraient comme une menace. Retour sur ce phénomène planétaire qui a touché petits et grands.

Connaissez-vous Aki Maita et Akihiro Yokoi? Leur nom ne vous dira rien, mais leur création a été l'un des plus importants phénomènes de société dans les années 90. Ces deux Japonais sont les créateurs du Tamagotchi, édité par Bandaï.

Selon la légende, c'est en regardant une publicité télévisée qu'Akihiro Yokoi a eu cette idée. Un petit garçon voulait emmener sa tortue de compagnie avec lui en voyage. Ses parents lui ont interdit de le prendre. Avec un petit animal de compagnie virtuel, il est possible de le prendre partout et en toute discrétion.

Son nom est japonais. C'est la combinaison de "Tamago", qui signifie "œuf" et de "Wotchi", qui est une translittération approximative de "watch" en anglais, qui signifie "montre". Tamagotchi peut être traduit par "montre œuf" en référence à la forme de l’appareil (souvent ovoïde) et au fait qu'il se porte comme une montre gousset. Mais ce nom évoque surtout sa nature première: un "œuf" électronique d'où émerge un animal virtuel, qu'il faut ensuite prendre soin d'élever.

Ce jeu n'a jamais donné l'heure. Il a néanmoins marqué de son empreinte l'histoire des jeux électroniques. C'est la première fois que des humains, enfants ou adultes, ont ressenti un attachement émotionnel envers une entité numérique. À l'époque, tous les enfants en voulaient un. Plus qu'un simple objet, ce jouet est un petit animal virtuel attachant. Pour l'élever convenablement, il fallait le cajoler, le nettoyer, l'amuser, le nourrir, le laisser se reposer et parfois le gronder.

De la naissance à la mort

Pour des gamins des années 2020, la génération Alpha, cet attachement peut sembler ridicule. Et pourtant, la vague Tamagotchi a touché la planète. Il s'en est vendu 85 millions d'exemplaires à une dizaine d'euros l'unité (entre 80 et 100 francs) dont 15 millions en 1997, l'année de son lancement à l'international. Il a fait gagner des dizaines de millions de dollars à Bandaï.

C'est peut-être avec lui que les consommateurs ont connu les premières pénuries organisées pour créer le buzz dans les cours d'école et dans les familles. Pour s'en procurer un, il fallait parfois faire des heures de queue devant les boutiques en redoutant une rupture de stocks.

«Les 3 histoires de Charles Magnien » : Le retour du Tamagotchi, un sondage sur les Français et leur portable et le départ en avance d'un avion à Toulouse - 22/06 - 6h30
«Les 3 histoires de Charles Magnien » : Le retour du Tamagotchi, un sondage sur les Français et leur portable et le départ en avance d'un avion à Toulouse - 22/06 - 6h30
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Sur l'écran monochrome hyper pixelisé, on suit un petit animal qui peut faire penser aux Pokemon, depuis l'éclosion de son œuf jusqu'à sa mort, souvent prématuré par manque de soin, d'affection ou de patience. Le modèle économique est imparable. Une fois mort, il faut en racheter un.

Un rituel funèbre a même été inventé. Après lui avoir retiré ses piles, le Tamagotchi était installé dans le plus grand recueillement d'un coffret en guise de cercueil. Il fallait ensuite le déposr dans un tiroir pour qu'il repose en paix. Un fou rire malheureux était très mal interprété par les enfants.

"En voyant qu'il ne vivait plus, j'ai pleuré des jours entiers. J'avais perdu mon compagnon", se rappelle cette trentenaire encore étonnée par sa propre réaction.

Banni des écoles

De fait, il était impossible de laisser son Tamagotchi sans surveillance pendant toute une journée. Un cauchemar pour les parents. L'enjeu était tel qu'ils devaient s'en occuper quand les enfants le délaissaient. À cause de ces tâches chronophages et anxiogènes, certains refusaient d'en offrir à leurs enfants.

Et si les parents refusaient de s'en occuper, les enfants les prenaient discrètement à l'école. Certains gamins en possédaient plusieurs. Pendant les cours et les récréations, ils avaient les yeux rivés sur l'écran, émerveillés de voir le petit animal vivre sa vie et bercé par le "bip" que faisait l'appareil à chaque action.

Cette addiction a atteint un tel point le sujet a été traité par les chefs d'établissements scolaires. Finalement, le Tamagotchi a été interdit dans quasiment toutes les écoles et tous les collèges de France.

Au-delà des enseignants et des parents, psychologues, médecins, sociologues et spécialistes de l'enfance se sont emparés du sujet craignant pour la santé mentale des enfants. Certains développaient des tendances qualifiées de morbide en s'amusant à tyranniser le petit animal virtuel ou le faire mourir.

Deux spécialistes des jeux vidéos, Fanny Carmagnat et Elisabeth Robson, ont publié en 1999 une étude intitulée "Qui a peur du Tamagotchi?" pour dédramatiser ce phénomène.

Le roi du come-back

Avec la GameBoy, les consoles et les smartphones, la folie du Tamagotchi s'est peu à peu éteinte. Mais pourtant, le jeu n'est pas encore totalement mort. Les enfants d'hier, devenus adultes, retrouvent avec un plaisir régressif et Bandaï ne rate pas une occasion de les inviter à rejoindre les nombreuses communautés dédiées à ce jeu. Il est ainsi devenu le roi du come back.

Ce ne sont plus des animaux de compagnie, mais "des créatures originaires de la lointaine 'planète Tamagotchi' découverts sur Terre en 1996". Ils existent en plusieurs versions (Vintage, moderne, connexion), à des tarifs allant jusqu'à 70 ou 80 euros.

Les fans les collectionnent, tentent de retrouver des versions originales et ne ratent pas des séries limitées vendues sur le site officiel des Tamagotchi. On y trouve des déclinaisons de toutes sortes, (Harry Potter, Star Wars etc...).

Pour tenter de rester dans la course, le Tamagotchi a aussi fait sa révolution technologique. Ils existent désormais sous forme de montres compatibles WiFi pour se perdre dans le "Tamaverse" et rencontrer des personnages dans le monde entier.

Une autre version, bien plus grande, propose d'introduire un doigt dans un orifice pour caresser son animal. Pas sûr que ce modèle ait eu du succès. En fait, le Tamagotchi est comme ces chanteurs de variétés des années 90. Ils n'arrivent pas à décrocher au point de se ringardiser chaque jour un peu plus.

Pascal Samama
https://twitter.com/PascalSamama Pascal Samama Journaliste BFM Éco