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"La France ce n'est pas la Grèce": pourquoi il n'y a pas (encore) de raison de paniquer

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Si les marchés envoient des signaux négatifs quant à la situation financière française dans un contexte de fragilité de l'exécutif, la situation est loin d'être à la panique comme en 2011, à, une période où le spread avec l'Allemagne était deux fois plus élevé qu'aujourd'hui.

Il y a des gradations dans l'inquiétude mais ce n'est pas encore la panique. C'est le message qu'a tenu à faire passer ce jeudi sur BFMTV le ministre de l'Economie Antoine Armand.

"La France ce n'est pas la Grèce, a-t-il insisté alors que le taux de l'obligation française à 10 ans dépassait brièvement ce mercredi celui de la Grèce. La France a une économie, la France une situation d'emploi, d'attractivité, une puissance économique et démographique bien supérieure qui fait que nous ne sommes pas la Grèce."

Sur le strict plan macroéconomique, les deux pays ne boxent en effet pas dans la même catégorie. La France est 6,5 fois plus peuplée que la Grèce, son PIB par habitant y est deux fois supérieur et le patrimoine économique national en France dépasse les 20.000 milliards d'euros (dont 14.800 pour les ménages), ce qui représente près de huit fois son PIB, un record en Europe.

Sur la question de la dette publique, la France est plutôt mieux lotie (ou moins mal) que la Grèce. Le passif du pays atteint 110% du PIB quand celui de la Grèce frôle les 160%, niveau le plus élevé en Europe. Mais la tendance en Grèce est au désendettement (40 points de moins depuis 2020, budget en léger déficit de 1,5%) quand la France ne cesse de creuser les siens.

Le spread deux fois plus élevé en 2011

La donnée la plus préoccupante pour la stabilité de la zone ce n'est pas la comparaison avec la Grèce mais plutôt le spread avec l'Allemagne, soit l'écart entre les taux d'emprunt des deux pays. Plus ce taux est élevé, plus le risque est grand donc plus le pays emprunte cher. Or la différence de rendement entre le Bund allemand à 10 ans, référence de la zone euro, et l'OAT française équivalente a grimpé au plus haut depuis 2012 ces derniers jours.

"Il est vrai qu'on connaît une phase de stress actuellement avec un spread à 90 points de base [écart de 0,9 point entre les deux taux], reconnaît Alexandre Baradez, analyste chez IG. Mais il fluctue beaucoup depuis quelques mois. On est passé de 50 à plus de 80 durant les législatives puis on est redescendu vers 70 et là ça remonte."

Pour autant, même à 90, le spread franco-allemand ne traduit pas un état de panique de marché.

"Durant la crise des dettes souveraines, le spread était monté à 180 points, c'était en novembre 2011, rappelle Alexandre Baradez. Et de plus ce n'était pas la France qui était dans l'oeil du cyclone, le problème c'était la Grèce et les "PIIGS" [Portugal, Irlande, Italie, Grèce et Espagne]. Le spread entre l'Italie et l'Allemagne était monté à 500 points de base, là il y avait un vrai risque d'éclatement de la zone euro."

Preuve que les marchés ne paniquent pas, la BCE n'a pas sorti sa lance à incendie (la baisse des taux) et ne prévoit pas de le faire. Ainsi, ce mercredi, Isabel Schnabel, membre influente du conseil des gouverneurs de l'institution a écarté l'idée d'une forte baisse des taux directeurs lors de sa prochaine réunion.

"Pas de ventes massives"

D'ailleurs, les investisseurs ne se "débarrassent" pas actuellement des obligations françaises, ce sont plutôt les taux qui baissent plus ailleurs qu'en France.

"Sur les marchés on ne vend pas massivement des obligations françaises, on en achète seulement un peu moins et on préfère se couvrir en achetant de l'allemand, observe Alexandre Baradez. Il y a un repli général des taux en Europe depuis l'élection de Trump, ce repli est simplement moins fort en France, c'est pour ça que les spreads s'accroissent."

Comme souvent ce n'est pas la mauvaise nouvelle que sanctionnent les marchés mais plutôt l'incertitude.

"L'Italie a un niveau de dette bien plus élevé que la France mais eux envoient des signaux clairs aux marchés en donnant un objectif de 3% de déficit en 2026 et en annonçant des ventes de participation de l'Etat, explique l'analyste d'IG. Pour la France, le marché n'attend pas de mesures drastiques comme des coupes de 40% dans les retraites mais simplement des mesures convaincantes et qu'il n'y ait pas de retard dans l'implémentation de ces politiques."

Des attentes très loin d'être satisfaites par la situation politique française.

Frédéric Bianchi
https://twitter.com/FredericBianchi Frédéric Bianchi Journaliste BFM Éco