Un patron de la Fed poussé contre un mur, un autre harcelé par Nixon... Avant Trump, ces présidents qui ont voulu tordre le bras de la Fed

La Banque centrale américaine s'apprête vraisemblablement à abaisser ses taux directeurs, ce mercredi 17 septembre, comme l'espère bruyamment Donald Trump depuis plusieurs mois.
Si les pressions du président américain sur la Réserve fédérale ont atteint des sommets de brutalité, ces entorses à l'indépendance de la Fed ne sont pas inédites dans l'histoire américaine, marquée depuis son origine par de vifs débats quant au rôle de la banque centrale.
La Fed, créée en 1913, n'a formellement acquis son indépendance qu'en 1951, et celle-ci ne sera véritablement renforcée que dans les années 1970, pour éviter la politisation de la monnaie, après les mandats de Lyndon Johnson (1963-1969) et de Richard Nixon (1969-1974).
Convocation au ranch
Comme Donald Trump, ces derniers ont en effet tenté de contraindre les dirigeants de la Réserve fédérale à mener une politique monétaire plus accommodante.
Le premier, membre du camp démocrate, n'a pas hésité en 1965 à convoquer dans son ranch le patron de la Réserve fédérale, William McChesney Martin, pour le pousser à assouplir sa politique monétaire dans le contexte de la guerre au Vietnam.
Selon plusieurs témoignages recueillis par le New York Times, Lyndon Johnson, aurait même poussé le patron de la Fed contre un mur, éructant: "Martin, mes garçons meurent au Vietnam, et tu ne vas pas imprimer l’argent dont j’ai besoin."
Richard Nixon, du parti républicain, adoptera une attitude similaire. Il aura interagi avec des responsables de la banque centrale plus de 160 fois, contre seulement six sous Clinton selon une étude publiée par VoxEU, un centre de recherche européen.

Ses pressions sont particulièrement bien documentées. Richard Nixon enregistrait en effet ses conversations à la Maison Blanche.
"Les enregistrements révèlent clairement que le président Nixon a fait pression sur Arthur Burns (le président de la Fed, ndlr) directement et indirectement (...), pour qu'il s'engage dans des politiques monétaires expansionnistes avant les élections de 1972", a conclu le chercheur Burton A. Adams, dans un article paru dans la revue Journal of Economic Perspectives.
Confronté à une récession et une hausse du chômage, Richard Nixon voulait redonner du souffle à l'économie pour lui permettre de remporter les élections de 1972. Le président républicain attribuait en effet sa défaite face à John F. Kennedy aux élections de 1960 à une légère hausse du chômage.
"Coup de pied aux fesses"
Dans l'une de ces enregistrements, Nixon incite Arthur Burns à "donner un petit coup de pied aux fesses" des membres du comité de la Fed, pour les inciter à soutenir une réduction des taux directeurs.
"Je respecte son indépendance, [...] cependant, j’espère qu’il conclura de manière indépendante que mes opinions sont celles qui doivent être suivies", avait d'ailleurs osé le président, lors d'un discours pour l'investiture d'Arthur Burns à la tête de la Fed en 1970.
Au final, de nombreux économistes estiment que la politique monétaire mal avisée de l'ère Nixon aura contribué à la forte inflation des années 1970.
"Ce n'est qu'avec l'arrivée de Paul Volcker à la présidence de la Réserve fédérale en 1979 et les récessions de 1980-1982 que l'inflation fut enfin maîtrisée (...) mais au prix d'un coût économique considérable", rappelle le chercheur Burton A. Adams.
Partisan des théories de l'école monétariste, Paul Volcker a considérablement augmenté les taux directeurs de banque centrale américaine, réduisant fortement la masse monétaire. La Fed s'est dès lors davantage imposée comme une institution indépendante, devant choisir par elle même les moyens les plus appropriés de maintenir la stabilité des prix. Un statut à nouveau contesté aujourd'hui par Donald Trump.