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En difficultés financières, EY va retenir une partie des salaires de ses associés aux États-Unis

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Le géant de l'audit britannique va retenir une partie de la rémunération de ses associés basés aux États-Unis.

Les cabinets du fameux "Big Four" subissent de plein fouet une baisse de leur croissance depuis la fin de la pandémie, rendant la gestion des flux de trésorerie complexe. C'est dans ce contexte que les associés de la branche américaine du cabinet d'audit EY ont été informés qu'une partie de leur rémunération sur 2024 serait retenue.

Un report de 2% de la rémunération annuelle est prévu, d'après le Financial Times. Ce projet aurait été envisagé après le bouclage de l'exercice financier en juin dernier, notamment pour aider le cabinet à gérer sa trésorerie.

La décision de la maison-mère d'EY s'inscrit sur fond de tension avec le siège de Los Angeles et cette nouvelle décision vient aggraver la déception des associés outre-Atlantique. En avril 2023, EY avait aussi été contraint d'abandonner son projet de scission de son activité de conseil en raison de l'opposition de sa branche américaine.

Le plan baptisé "Projet Everest" était un moyen pour EY de séparer son activité d'audit de celle de conseil pour pouvoir décrocher des contrats dans l'une ou l'autre de ces activités sans avoir à se soucier d'éventuels conflits d'intérêt. L'avortement du projet aurait fait perdre des centaines de millions de dollars d'investissement au groupe.

Les hauts dirigeants non tenus responsables

Lors d'une visioconférence interne, l'associée gérante de la branche américaine d'EY Julie Boland a admis avoir pris connaissances des plaintes à son égard. Elle s'est ensuite référée à une enquête interne, menée en début d'année par un consultant indépendant, et qui écarterait la responsabilité des dirigeants.

D'après elle, les résultats ont été "difficiles à lire, difficiles à entendre, difficiles à discuter et m'ont beaucoup fait réfléchir [...] On a l'impression qu'il existe des normes différentes pour les cadres supérieurs, ainsi que pour ceux qui sont vraiment robustes sur le marché, et que nous n'appliquons pas de manière cohérente la responsabilité à leur égard dans tous les domaines".

Elle a fini par avouer que la communication de la direction nécessitait d'être renforcée, notamment pour expliquer plus clairement "pourquoi les décisions ont été prises".

Un associé a déclaré au Financial Times qu'il estimait que les hauts dirigeants américains n'avaient pas été tenus pour responsables ni de l'échec d'Everest, ni des mauvaises notes en matière de qualité d'audit attribuées par les régulateurs américains.

Rémunération différée au moment du départ de l'entreprise

Ainsi, les associés américains ne percevront une rémunération différée qu'au moment de leur départ de l'entreprise ou bien en retraite. "La rémunération différée obligatoire est due au fait que les actifs ont dépassé les revenus en fonds de roulement", notamment parce que de nombreux factures impayées restent en suspens, précise une source proche du dossier. "Les bénéfices ont augmenté cette année et reflètent la résilience de l'entreprise américaine dans un environnement macroéconomique difficile", a déclaré un porte-parole d'EY.

Autre tactique prévue: différer le paiement des dividendes à la fin de l'exercice en cours plutôt qu'un versement mensuel.

"Beaucoup de gens sont bouleversés", a déclaré l'un d'entre eux. "C'est un très mauvais accord."

Interrogé sur les critiques formulées à l'encontre du leadership américain, un porte-parole d'EY a affirmé que le groupe a procédé à "une évaluation culturelle proactive, dont les résultats ont montré que notre culture continue d'être une source de fierté pour notre personnel et nos partenaires".

Pierre Berthoux