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Droits de douane: que demandent les pays qui veulent négocier avec les États-Unis?

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L'administration de Donald Trump a affirmé dimanche que plus de 50 pays avaient pris contact avec la Maison Blanche pour négocier sur les droits de douane généralisés imposés par Washington, prévenant que ces discussions pourraient prendre plusieurs mois.

Ils sont une cinquantaine d'après la Maison Blanche. Dimanche sur la chaîne NBC, le ministre des Finances américain Scott Bessent a indiqué que plus de 50 pays avaient "approché le gouvernement au sujet d'une réduction de leurs barrières douanières, de leurs droits de douane et l'arrêt de leur manipulation de changes".

Mercredi dernier, Donald Trump a en effet décidé d'imposer un taux universel de 10% de taxe douanière sur tous les produits importés aux Etats-Unis, entré en vigueur samedi. Un taux qui va être relevé, dès mercredi matin, pour plusieurs dizaines de partenaires commerciaux majeurs, notamment l'Union européenne (20%) et la Chine (34%).

"Nous allons voir si ce qu'ils ont à proposer est crédible", a expliqué Scott Bessent au sujet des partenaires commerciaux des États-Unis, "parce qu'après, 20, 30, 40, 50 ans de mauvais comportements, on ne peut pas repartir de zéro".

"Ce n'est pas le genre de chose que vous pouvez négocier en quelques jours ou quelques semaines", a prévenu le ministre des Finances américain, laissant entendre que ces taxes pourraient rester en vigueur plusieurs mois au moins. Les pays qui ont proposé d'ouvrir des discussions "le font parce qu'ils comprennent qu'ils vont subir une bonne partie de ces droits de douane", a quant à lui jugé le principal conseiller économique de la Maison Blanche, Kevin Hassett.

Les pays asiatiques montent leur équipe commerciale

Dès les premières heures qui ont suivi les annonces de Donald Trump mercredi dernier, de nombreux pays ont ouvert la voie à des discussions avec les Etats-Unis. C'est notamment le cas de l'Inde qui, dès le lendemain, a évoqué des négociations "en cours entre les équipes commerciales indiennes et américaines afin de conclure rapidement un accord commercial bilatéral mutuellement bénéfique et multi-sectoriel".

Le ministère du Commerce indien a ajouté que les négociations "visent à accroître les relations commerciales, les investissements et les transferts de technologie" entre les deux pays alors que les droits de douane américains se situent autour de 26-27% pour New Delhi.

Le week-end dernier, Taïwan s'est également positionné sur diverses stratégies afin de sauvegarder son économie face à la surtaxe américaine de 32%. Le président taïwanais Lai Ching-te a indiqué dimanche que le gouvernement avait formé une équipe pour négocier avec Washington. Taïwan pourrait acheter davantage de produits américains pour réduire le déficit, augmenter ses investissements aux États-Unis, éliminer les barrières non tarifaires et diversifier ses marchés, a-t-il expliqué.

La Malaisie va également envoyer une délégation à Washington pour entamer des discussions sur les tarifs douaniers. Au terme des annonces américaines qui ont provoqué une onde de choc dans le monde, la Malaisie se voit imposer des droits de douane de 24% sur ses exportations. Tout en reconnaissant qu'il y avait peut-être peu de marge de manoeuvre, le Premier ministre Anwar Ibrahim a estimé qu'il existait encore de la place pour ajuster l'application de ces nouveaux droits de douane.

L'Indonésie, qui se voit appliquer quant à elle des droits de douane de 32% a également annoncé jeudi dernier son intention de dépêcher des négociateurs à Washington.

Le Vietnam prêt "à acheter davantage américain"

Alors que le Cambodge et la Thaïlande ont fait part de leur espoir de négociation avec les États-Unis, le Vietnam semble avoir une longueur d'avance dans les échanges avec Washington sur le continent asiatique. Vendredi dernier, Donald Trump a révélé sur son réseau Truth Social avoir eu une "discussion très productive" sur les taxes douanières avec le plus haut dirigeant vietnamien, le secrétaire général du parti communiste To Lam. Le pays d'Asie du Sud-Est risque en effet de voir ses produits taxer à 46%, l'un des taux les plus élevés parmi les pays frappés par son offensive protectionniste mondiale.

"Le Vietnam veut réduire à ZÉRO ses taxes douanières s'ils peuvent trouver un accord avec les États-Unis. Je l'ai remercié au nom de mon pays et lui ai dit attendre avec impatience une rencontre dans un futur proche", a ajouté le président américain.

Lundi soir, le Premier ministre vietnamien Pham Minh Chinh a indiqué que le Vietnam allait "approcher et négocier avec la partie américaine pour parvenir à un accord bilatéral, visant une balance commerciale durable", selon une déclaration publiée sur le portail d'informations du gouvernement. Le pays va continuer "à acheter davantage de produits américains qui sont robustes et dont le Vietnam a besoin, notamment du matériel lié à la sécurité et à la défense; et à promouvoir une livraison précoce des contrats commerciaux aéronautiques", a-t-il ajouté.

To Lam, secrétaire général du Parti communiste et de facto plus haut dirigeant vietnamien, a demandé à Donald Trump un délai d'"au moins 45 jours" pour leur application, selon la copie d'une lettre officielle. To Lam y indique avoir nommé le vice-premier ministre Ho Duc Phoc pour servir de contact principal avec les autorités américaines. Il y déclare également espérer rencontrer le président américain à Washington d'ici fin mai pour finaliser un accord.

Londres a bon espoir pour un accord

En Europe, le Royaume-Uni a tenté de prendre les devants. Le pays négocie depuis plusieurs semaines avec les États-Unis un accord économique aux contenus encore flous. L'idée d'une telle négociation, rendue possible par le Brexit, remonte à la visite fin février à Washington du Premier ministre travailliste Keir Starmer, lors de laquelle Donald Trump avait évoqué un accord "dans lequel les droits de douane ne seraient pas nécessaires". Le Royaume-Uni compte toujours conclure cet accord avec les États-Unis pour "atténuer" l'impact des droits de douane de Donald Trump et n'entend pas riposter immédiatement.

Une position britannique qui diverge donc de celle de l'Union européenne qui travaille actuellement sur un paquet de contre-mesures. La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a tendu la main aux Américains jeudi dernier pour trouver une solution négociée permettant d'éviter les droits de douane annoncés par Donald Trump, tout en se disant prête à riposter.

"Il n'est pas trop tard pour répondre aux préoccupations par les négociations", a-t-elle déclaré, soulignant que le commissaire européen au Commerce, Maros Sefcovic, était "en contact permanent" avec ses homologues américains.
Caroline Loyer : Droits de douane, un rapprochement UE/Chine ? - 03/04
Caroline Loyer : Droits de douane, un rapprochement UE/Chine ? - 03/04
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Trump balaie une proposition de Bruxelles

Lundi, l'Union européenne a proposé aux États-Unis une exemption de droits de douane totale et réciproque pour les produits industriels afin de tenter d'éviter une guerre commerciale. À Luxembourg, à l'issue d'une réunion avec les ministres européens du commerce, le commissaire européen Maros Sefcovic a précisé avoir évoqué cette proposition de droits de douane nuls dès le 19 février avec ses homologues américains, plusieurs semaines avant les taxes annoncées par les États-Unis. Cette exemption de taxes aurait concerné "l'automobile, les produits chimiques, pharmaceutiques", et le "reste des produits industriels", a-t-il déclaré.

Mais Donald Trump a jugé que cette proposition annoncée par Ursula von der Leyen n'était pas suffisante pour lever les taxes douanières américaines. "L'Union européenne s'est très, très mal conduite avec nous", a ajouté le président américain. Il a assuré que le déficit commercial accusé par les États-Unis avec l'UE allait "disparaître rapidement" grâce à une augmentation des achats d'énergie américaine par les pays européens.

"Il faut qu'ils achètent et qu'ils s'engagent à acheter un montant équivalent (à ce déficit commercial) en énergie", a-t-il encore dit.

Donald Trump, qui n'a pas précisé si de tels achats entraîneraient la levée des droits de douane à l'encontre de l'UE, a évoqué un montant de 350 milliards de dollars, qui pourrait annuler le déficit commercial des États-Unis avec l'UE.

Timothée Talbi avec AFP