"Cela ne doit être toléré sous aucun prétexte": Vladimir Poutine affirme à son tour craindre une récession pour la Russie

Vladimir Poutine assiste à un office religieux orthodoxe pour Pâques à Moscou, le 19 avril 2025. - Ramil SITDIKOV / AFP
Alors qu'il vantait la vigueur de la croissance russe il y a encore quelques semaines, Vladimir Poutine s'inquiète désormais d'une possible récession, qui ne doit arriver "en aucun cas", a-t-il indiqué ce vendredi 20 juin au forum économique de Saint-Pétersbourg.
"Certains spécialistes et experts soulignent les risques de stagnation, voire de récession. Cela ne doit être toléré sous aucun prétexte", a déclaré Vladimir Poutine lors de son discours.
Ce risque de récession imminente avait été reconnu la veille par son ministre de l'Économie, Maxim Rechetnikov, lors du même forum économique. "A en juger par le climat des affaires actuel, nous sommes déjà au bord de la récession", s'alarmait Maxim Rechetnikov selon l'agence de presse russe Interfax.
Le PIB russe avait plutôt bien résisté jusqu'ici (+4,1% l'an passé et 3,6% en 2023). Mais la croissance est tombée à 0,8% en février glissement annuel, contre 3% en janvier, le chiffre le plus bas depuis mars 2023.
Panne du "keynésianisme militaire"
Le ministère de l'Économie prévoit toujours une croissance de 2,5% en 2025, une anticipation nettement plus optimiste que celle de la banque centrale, qui n'ose l'évaluer qu'entre 1 et 2%.
Dans les faits, les lourds investissements publics dans le complexe militaro-industriel ne permettent plus de stimuler l'économie.
Le Kremlin touche aux limites du "keynésianisme militaire" déployé depuis 2022, alors que "le budget fédéral alloue 8% du PIB à la défense et à la sécurité nationale - soit 200 milliards de dollars - ce qui représente plus de 40% de l'ensemble des dépenses budgétaires", relève Marlène Laruelle, dans une note publiée par l'Ifri (Institut français des relations internationales).
L'inflation se situe à un niveau très élevé, à 9,8% sur un an en juin, selon la Banque centrale (BCR). Les prix des produits alimentaires ont particulièrement grimpé, en particulier des pommes de terre, un aliment de base dans le pays.
La valse des prix est aussi alimentée par des pénuries de main d'oeuvre qui tirent vers le haut les salaires sans que les économistes ne constatent d'augmentation notable de la productivité.
Problème supplémentaire, une partie de ces dépenses a été financée en siphonnant le fonds souverain, qui ne comptait plus que 56 milliards de dollars de réserves l'année dernière contre 113 milliards avant la guerre, selon la note de Marlène Laruelle.
Taux d'intérêt élevés
Le gouvernement russe et la Banque centrale russe (BCR) se sont opposés vendredi au forum économique de Saint-Pétersbourg sur les moyens à mettre en place pour dynamiser l'activité, en plein ralentissement de la croissance après deux années de surchauffe entraînée par les conséquences du conflit en Ukraine.
La Russie a réduit ses taux d'intérêt ce mois-ci pour la première fois depuis 2022, les ramenant de 21% à 20%, alors que les entreprises se plaignent depuis des mois que les coûts d'emprunt élevés étouffent les investissements et que la croissance économique commence à ralentir.
La politique monétaire restrictive crée des risques de surchauffe, a récemment indiqué Alexandre Vedyakhine, le premier directeur général adjoint de Sberbank, la plus grande banque russe, dans une interview accordée à l'agence Reuters. Ce dernier juge que les taux d'intérêt acceptables devraient se situer dans une fourchette de 12% à 14 %.
"Il y a un risque de refroidissement excessif de l'économie, que nous ne soyons pas en mesure de sortir de ce creux et que la croissance future soit modérée", a estimé Alexandre Vedyakhine.
La Russie "dépend plus que jamais de l'effort de guerre et des revenus tirés des énergies fossiles", avait récemment souligné Adina Revol, ancienne porte-parole de la Commission européenne, sur BFM Business, pour qui "l'économie russe est déclinante". "Une économie transformée en économie de guerre ne produit pas de vraies richesses. Les indicateurs sont dans le rouge", avait estimé Adina Revol, également enseignante à Sciences Po.