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"7 conflits réglés en 6 mois" avec des coups de téléphone: les "deals" de Trump pour imposer la paix dans le monde dépassent-ils le stade de l'annonce tonitruante?

Le président américain Donald Trump s'exprime après la signature d'un décret dans le bureau ovale de la Maison Blanche à Washington, DC, le 6 octobre 2025.

Le président américain Donald Trump s'exprime après la signature d'un décret dans le bureau ovale de la Maison Blanche à Washington, DC, le 6 octobre 2025. - JIM WATSON

Avec cette première phase acceptée d’un plan de paix entre Israël et le Hamas, Donald Trump a réussi ce que personne n'avait réussi à faire. Il s’en glorifie et se présente comme un président de la paix. Mais sa méthode interroge: rend-elle le monde plus stable ou plus brutal?

Peut-on imposer la paix par la force? Donald Trump y croit dur comme fer. Il l’a martelé pendant toute sa campagne pour sa réelection: à peine la main levée de la Bible pour son investiture, il rétablirait la puissance de l’Amérique et ramènerait la paix dans le monde.

"Si vous partez en guerre avec un autre pays -qu'il soit ami ou pas- vous ne ferez plus affaire avec les États-Unis, parce que nous vous imposerons des droits de douane de 100%. J'ai évité beaucoup de guerres dans le monde par des coups de téléphone", se vantait le président auprès de ses partisans réunis lors d'un meeting en Caroline du Nord, en 2024.

Trump veut faire du business, pas la guerre

Faites du business, pas la guerre. Cela pourrait être le slogan de Donald Trump. Il ne dialogue pas, il fait des "deals". Il ne négocie pas, il impose. À la tribune de l’ONU, en septembre, il s’est félicité d’avoir "réglé sept conflits en six mois". Des résultats à nuancer.

Prenons l’exemple de l’accord Arménie–Azerbaïdjan, signé le 8 août à la Maison Blanche: il met fin à 35 ans de conflit, sous l’impulsion directe du président américain. Une diplomatie bulldozer, faite de rapports de force, de "deals" express et de sanctions brandies comme des armes.

Une résolution de conflit qu’il aime mettre en scène. La signature de l’accord a eu lieu en grande pompe à la Maison Blanche. Et sur l’estrade, Ilham Aliyev, le président de l’Azerbaïdjan, n’a pas ménagé ses éloges.

"Je tiens à remercier le président Trump pour son attachement à l'Azerbaïdjan, pour sa vision. En quelques mois, il a réussi à mettre fin aux conflits en Asie, en Afrique, et maintenant dans le Caucase du Sud."
"On s'en fout, on s'en fout pas" : Trump, prétendant au Prix Nobel de la paix, c'est oui ? - 11/07
"On s'en fout, on s'en fout pas" : Trump, prétendant au Prix Nobel de la paix, c'est oui ? - 11/07
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La "Trump Road", route de l’influence américaine dans le Caucase

Au cœur du deal, un corridor hautement stratégique qui relie Bakou à Kars, en Turquie, en traversant le sud de l’Arménie. Un tronçon-clé, le "corridor de Zanguezour", rebaptisé "Trump Road for International Peace and Prosperity" ("la route de Trump pour la paix et la prospérité internationales).

La "Trump Road", un tronçon géopolitique au cœur de l'accord de paix entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan.
La "Trump Road", un tronçon géopolitique au cœur de l'accord de paix entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan. © BFM Business

Sur cette "route de la paix", un pipeline, une route et une ligne ferroviaire, dont la gestion et l’exploitation sont en partie confiées à des compagnies américaines et turques. Ce qui se joue derrière cet accord de paix, et à travers cette "Trump Road", c’est aussi un renforcement de l’influence américaine dans cette zone stratégique du Caucase.

Mais le "deal" est à nuancer, il est loin d’être équilibré. De nombreux analystes estiment que les Arméniens en ressortent affaiblis, politiquement et territorialement.

Quand Trump met en scène la paix entre Kigali et Kinshasa

Même décor à Washington, même chorégraphie diplomatique. Devant les caméras, en juin dernier, Donald Trump réunit les dirigeants congolais et rwandais pour signer un nouvel accord de paix.

Derrière la photo officielle, l’intérêt américain est clair: sécuriser l’accès aux minerais critiques —cobalt, lithium— essentiels à l’industrie technologique et militaire, et dont regorgent les sous-sols de la région.

Mais sur place, les ONG, dénoncent une paix de facade. Le mouvement rebelle M23 n’était pas à Washington, il est encore très actif, et les combats et des massacres perdurent dans l’est du Congo.

Ukraine: les volte-faces de Donald Trump

En Ukraine, là encore, les intérêts économiques sont étroitement liés à la recherche de la paix. Donald Trump a signé en avril dernier un accès privilégié aux minéraux ukrainiens et un fonds commun pour la reconstruction. Des contrats juteux, contre une aide militaire américaine.

Mais sur ce dossier ukrainien, Donald Trump se heurte à un mur. Car imposer la paix par la force n’est pas vraiment une méthode efficace quand son interlocuteur s’appelle Vladimir Poutine.

En février, Trump humilie Volodymyr Zelensky dans le Bureau ovale, lui demandant de céder une partie du territoire ukrainien à la Russie. Quelques mois plus tard, retournement spectaculaire: il glorifie Zelensky, assure que l’Ukraine "peut récupérer le Donbass –voire plus" et laisse la communauté internationale médusée face à ce grand écart diplomatique.

Donald Trump, le fossoyeur du multilatéralisme

Tous ces exemples le montrent: Donald Trump négocie en direct, aux antipodes de la méthode onusienne. En septembre, à la tribune de l’ONU, il lâche ses coups. Pour Donald Trump, "la paix selon l’ONU, c’est la guerre sans fin".

Il fustige le multilatéralisme, qu’il juge lent, inefficace, bureaucratique.

Un mépris assumé, qui va jusqu’à couper les vivres à l’institution: depuis sa réélection, le premier contributeur au budget de l’ONU n’a pas versé un centime. Résultat: 2,4 milliards de dollars de manque à gagner, et une ONU asphyxiée, contrainte d’engager une thérapie de choc budgétaire.

"Faute d’aide américaine, beaucoup de personnes vont mourir", alerte Tom Fletcher, coordinateur humanitaire de l’ONU.

La paix par la force était au cœur de la doctrine de Ronald Reagan, "Peace through strength". À une nuance près: Reagan, en pleine Guerre froide, prônait l’équilibre par la puissance, tout en assumant le jeu du multilatéralisme et la défense de l’ordre international.

Trump, lui, impose une "Pax Americana". Il se pose en acteur —voire en auteur— d’un monde qui se fragmente et se brutalise.

Mathieu Jolivet