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2,4 milliards de dollars d'arriérés parce que Trump ne paie plus: asphyxiée financièrement, l'ONU supprime 20% de ses effectifs et tranche dans l'aide humanitaire

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L'Organisation des nations unies est à court de liquidités. Ses principaux contributeurs, les États-Unis et la Chine, sont devenus de mauvais payeurs. Résultat: 2.700 postes supprimés l'an prochain et une réduction de l'aide humanitaire à l'échelle mondiale.

C'est du jamais vu depuis sa création en 1945: l'Organisation des nations unies, dont l’Assemblée Générale se tient jusqu'au 28 septembre, annonce un plan d'austérité drastique. L'ONU est asphyxiée financièrement et son secrétaire général, António Guterres, a décidé de serrer la vis l’année prochaine.

Dans le détail, le budget annuel de l'organisation baisse de 15%, à 527 millions pour 2026. Avec comme conséquence directe, la suppression de 2.700 postes, près de 20% des effectifs. António Guterres prévoit aussi de relocalser des bureaux et des postes de New York et Genève vers des villes moins chères, comme Nairobi. Des fermetures de bureaux et la consolidation de certains services sont aussi à l'étude.

Les États-Unis ne paient plus depuis le retour de Trump

Cette cure d'austérité d'une ampleur jamais vue depuis 1945 s'explique par plusieurs facteurs. L'ONU traverse une crise de liquidités. Pour 2025, elle avait besoin de 3,5 milliards de dollars. Mais à la mi-mai, seulement 1,8 milliard étaient arrivés dans ses caisses. Et au-delà de 2025, ce sont les arriérés de paiement qui s’accumulent… fin avril l’ONU avait 2,4 milliards d'arriérés.

L’ONU est en détresse car ses principaux contributeurs ne paient pas leur part. En tête, les États-Unis, premiers contributeurs avec 22% du budget, n'ont pas versé un centime depuis le retour de Donald Trump à la Maison Blanche, soit 1,5 milliard de manque à gagner. La Chine, deuxième contributeur, paie au compte-goutte. Elle a versé ses 597 millions seulement fin décembre dernier.

Résultat, pour le maintien de la paix, qui est une des trois missions de l’ONU, le trou atteint désormais 2,7 milliards. 

Conséquence, c’est l'aide humanitaire qui est sacrifiée. Le plan d'aide humanitaire mondial passe de 44 à 29 milliards de dollars pour l'an prochain. Au lieu de 180 millions de personnes secourues, seulement 114 millions pourront l'être. En Afghanistan, 400 centres de soins ont fermé, au Bangladesh, la lutte contre la tuberculose s'arrête… Le Programme alimentaire mondial voit, lui, ses financements chuter de 40%.

"Des millions de personnes vont mourir", alerte Tom Fletcher, coordinateur humanitaire de l'ONU.
Le monde qui bouge - L'Interview : Le programme alimentaire mondial en danger - 15/05
Le monde qui bouge - L'Interview : Le programme alimentaire mondial en danger - 15/05
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La crise du multilatéralisme

Cette débâcle financière révèle la fracture géopolitique actuelle. Si on regarde les États-Unis, Donald Trump est guidé par son "America First". Il négocie brutalement, et en "one-to-one". On est très loin de l'essence même de l’ONU, censée être un forum des compromis universel.

De son côté, la Chine pratique l'entrisme en payant au compte-goutte et en imposant ses conditions. En 2024, elle a posé a elle seule le quart des questions aux ONG candidates à des fonds et ne retient que les dossiers qui l’arrangent. De nombreux dossier sont bloqués pendant plusieurs années par la Chine sous pretexte de "non-conformité politique". Quant à la Russie, elle  reste le maître de l’obstruction à l’ONU.

Que ce soit la Chine, l'Inde, la Russie, tous ces pays prônent depuis plusieurs années un monde multipolaire. Mais en réalité, ils construisent leurs propres sphères d’influence et leurs propres "empires" régionaux. L'ONU, censée symboliser ce multilatéralisme, navigue à contre-courant dans une époque où chacun essaie de tirer la couverture à soi. Et elle perd des moyens au moment ou le monde se brutalise. Il y a 30 ans on recensait 30 conflits armés dans le monde, aujourd’hui on en recense 120.

Mathieu Jolivet