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Tunnel sous la Manche: Virgin entend lever plus de 800 millions d'euros pour concurrencer Eurostar

L'entrée du tunnel sous la Manche à Coquelles. (Photo d'illustration)

L'entrée du tunnel sous la Manche à Coquelles. (Photo d'illustration) - Philippe Huguen - AFP

L'entreprise vise un service à haute fréquence qui serait le premier concurrent direct d'Eurostar. Le service pourrait être lancé dès 2029 à condition d'obtenir des trains à grande vitesse spécifiques dont les délais de livraison risquent d'être très longs.

La concurrence dans le Tunnel sous la Manche se précise. Virgin Group, le groupe du milliardaire britannique Richard Branson, confirme qu'il souhaite lancer son projet de services ferroviaires transmanche plusieurs fois évoqué, et ainsi concurrencer Eurostar, seul opérateur à proposer la liaison pour des passagers.

Virgin Group compte lever 300 millions de livres en actions et 400 millions en dettes, a déclaré la société à Reuters, confirmant des informations du Financial Times. Au total, l'investissement se hisserait à 700 millions de livres, soit 834 millions d'euros.

Virgin, qui exploitait auparavant des trains interurbains en Grande-Bretagne, prévoit de relier Londres à Paris et à Bruxelles, puis à Amsterdam.

L'entreprise vise un service à haute fréquence et un lancement en 2029.

"La route transmanche est mûre pour le changement"

"La route transmanche est mûre pour le changement et bénéficierait de la concurrence", a déclaré un porte-parole dans un communiqué.

"Bien que Virgin ne s'engage pas encore à lancer un service, nous recherchons des investissements auprès de partenaires partageant les mêmes idées pour investir aux côtés de Virgin et nous sommes ravis des progrès réalisés jusqu'à présent."

"Nous pensons que Virgin est la marque idéale pour ouvrir une nouvelle ère dans les voyages transmanche, compte tenu de son expérience primée dans l’industrie ferroviaire et de son aptitude à bouleverser les secteurs d’activité", expliquait déjà le groupe en janvier dernier.

Eurostar (dont SNCF Voyageurs est actionnaire majoritaire) a déclaré qu'il se félicitait du développement des services ferroviaires en Europe, ajoutant que "la concurrence dans le secteur des trains à grande vitesse est un autre exemple de la demande croissante de transport ferroviaire en Europe".

Rappelons que Getlink, le gestionnaire du tunnel, fait tout pour attirer de nouveaux acteurs notamment en modernisant certains éléments techniques du tunnel pour y faire passer plus de trains.

La presse britannique évoque une perspective d'achat par Virgin de 12 rames neuves pour 600 millions d'euros. Virgin évaluerait actuellement les propositions d'Alstom, Hitachi, Talgo et Siemens. L'objectif serait de passer commande cette année. Ces informations n'ont pas été confirmées par la firme.

Il faut dire que les contraintes sont très nombreuses. Les délais de livraison pour obtenir des trains à grande vitesse neufs sont déjà très longs, les carnets de commandes des industriels étant remplis comme jamais.

Mais les rames qui ont vocation à emprunter le Tunnel sous la Manche sont spécifiques, car elles doivent répondre à de nombreuses normes et obtenir des certificats de sécurité dédiés. Elles doivent également pouvoir circuler dans plusieurs pays à la fois, ce qui implique d'autres certificats.

On est donc là sur de la fabrication sur mesure et sur des délais de certification bien plus longs que pour des TGV classiques.

Un lancement d'ici à 2029 paraît assez irréaliste.

Des contraintes spécifiques et nombreuses

Il faudra également régler le problème de la maintenance des rames: un seul dépôt situé à l'est de Londres est utilisé par Eurostar et il serait déjà fort occupé. Tout comme celui de l'organisation très complexe des contrôles de sécurité des passagers en gare alors que la place manque à Londres Saint Pancras et à la gare du Nord de Paris.

Rappelons qu'un autre acteur s'est également positionné. Evolyn, ce consortium piloté par Mobico (ex-British National Express), un transporteur britannique dont la famille espagnole Cosmen est le principal actionnaire, a annoncé en 2023 avoir commandé à Alstom 12 trains à grande vitesse afin de lancer d'ici à 2026 un service commercial.

"Après trois ans de développement, l’accord d’acquisition des 12 trains, avec une option d'extension à 16, marque la concrétisation du projet, avec l’objectif de commencer à fonctionner en 2025", pouvait-on lire dans un communiqué.

Dans un communiqué publié 24 heures après l'annonce d'Evolyn, Alstom démentait néanmoins toute commande et même tout contrat.

"Alstom et Evolyn ont conclu un accord de courte durée pour démarrer un travail préparatoire d’ingénierie du système de train, avec l’objectif de poursuivre ce travail dans l’hypothèse où les deux entreprises signeraient un contrat pour l’achat et la livraison d'un certain nombre de trains, à condition qu'Evolyn soit en mesure d'assurer le financement du projet" pouvait-on lire.

Contacté en janvier, Alstom indiquait que le dossier n'a pas évolué depuis.

Depuis le lancement de la ligne en 1994, plusieurs entreprises ont annoncé leur intention de concurrencer Eurostar, dont la compagnie allemande Deutsche Bahn il y a dix ans, mais aucun de ces projets ne s'est concrétisé à ce jour. L'espagnol Renfe a également affiché des ambitions.

Olivier Chicheportiche avec Reuters