"Briseurs de grève": les syndicats fustigent le recours aux cadres volontaires pendant la grève, la SNCF se défend

Les syndicats à la SNCF, notamment Sud Rail et la CGT Cheminots, grincent des dents. Malgré une forte mobilisation (75% de grévistes selon Sud Rail), la direction de SNCF Voyageurs est parvenue à invisibiliser le mouvement de grève des contrôleurs de TGV (chefs de bord ou ASCT) qui commence ce vendredi jusqu'au 11 mai.
L'opérateur affirme même que 90% des trains vont rouler. Car pour remplacer les contrôleurs grévistes, SNCF Voyageurs va massivement mobiliser des cadres volontaires du groupe, formés aux missions de chef de bord, appelés en interne VAO. Issus des métiers de la finance, des ressources humaines, de la communication... ils sont plusieurs centaines selon nos informations.
Très vite, les organisations syndicales sont montées au créneau pour dénoncer "ces briseurs de grève" qui bénéficieront selon eux d'une prime de 50 euros par heure travaillée pendant le week-end.
"C'est étouffer la colère des cheminots"
"Mettre tous les moyens pour casser la grève, pour essayer d'étouffer la colère des cheminots et cheminotes qui se mobilisent depuis le début de la semaine", dénonce Julien Troccaz, secrétaire fédéral de Sud Rail.
Ces "mercenaires briseurs de grève" sont des "gens archi sous-formés et archi-surpayés", s'emporte Fabien Villedieu de Sud Rail.
Pour Sophie Binet, secrétaire générale de la CGT, "les cadres sont mis sous pression, ils sont soit obligés de remplacer les grévistes, soit obligés de se déclarer en grève eux-mêmes. Ce n’est pas acceptable d'instrumentaliser de cette manière l'encadrement qui n'est pas là pour remplacer des grévistes. Cela revient à leur demander de faire des missions qui ne sont pas les leurs (...). On leur fait un chantage qui n’est pas acceptable".
Surtout, les syndicats dénoncent des formations à la va-vite, faites en quelques jours (contre quatre mois en temps normal), ce qui constituerait un risque pour les passagers encadrés par ces volontaires.
"Ça passe tant qu'il n'y a pas d'incident majeur. En revanche, en cas d'incident majeur, les choses risquent d'être plus compliquées, de par le manque d'expérience de ces encadrants. Les conséquences peuvent être très sérieuses. Personne ne l'espère", prévient ainsi Axel Persson de la CGT Cheminots.
D'autant plus qu'en période de grève, on comptera un chef de bord issu de cette réserve par rame et non deux comme habituellement.
Des accusations qui passent mal du côté de la direction de la SNCF pour qui la sécurité des voyageurs est un pilier et qui ne supporte pas qu'on l'accuse de prendre le moindre risque.
Pas une formation au rabais
Une cadre de l'opérateur nie toute formation au rabais: "c'est tellement dur que certains abandonnent en cours de route. Le manuel de Securité est à apprendre par cœur et il est assez épais, il y a des tests psychologiques, de santé, de postures..."
Une autre source nous en dit un peu plus sur l'usage de cette réserve qui ne date pas d'hier et qui ne concerne d'ailleurs pas que les contrôleurs.
"La mobilisation des cadres pour permettre aux trains de circuler lors des conflits sociaux est une pratique très ancienne à la SNCF. Ces mobilisations sont traditionnelles dans les postes d'aiguillage et à la conduite des trains. Les cadres concernés, tous volontaires et issus du métier, doivent suivre des formations, puis pratiquer régulièrement (en sus de leurs missions habituelles) pour maintenir leurs compétences en sécurité ferroviaire et garder leur habilitation", nous explique-t-il. "Ils en retirent une meilleure connaissance pratique des évolutions du métier des salariés qu'ils encadrent".
"En ce qui concerne les chefs de bord, l'organisation est plus récente. Elle a été mise en place il y a une quinzaine d'années, sous le nom de "cellule de service public". Une grande partie des cadres volontaires travaillent dans d'autres services et métiers. Eux aussi ont suivi une formation spécifique et s'astreignent à pratiquer régulièrement", détaille-t-il.
Cadre légal
Enfin, "d'autres cadres, qui n'ont pas suivi de formation à un métier de sécurité ferroviaire sont mobilisés, toujours sous le régime du volontariat, pour renforcer l'information des voyageurs en gares, lors des périodes de grands départs, des mouvements sociaux ou des opérations spéciales, comme l'année dernière, pour les JO".
La direction met également en avant le fait de voir ses cadres se "frotter au coeur de métier de la SNCF" et récuse les accusations d'entrave à la grève.
"Il y a un cadre légal clair, il est parfaitement normal que des cadres puissent avoir une autre expérience, notamment auprès du client", assure Alain Krakovitch, directeur de TGV/Intercités.
Une loi sur l'organisation du service public permet en effet de réaffecter du personnel en cas de mouvement social. Pour autant, contrairement aux TER ou aux Intercités, le TGV n'est pas un service public car il n'est pas subventionné par l'Etat. D'ailleurs, Jean-Pierre Farandou est le premier à le dire.
La pratique n'a jamais été portée devant les tribunaux par les syndicats.