Billets plus chers, concurrence freinée? Les péages de SNCF Réseau vont bien augmenter

Mauvaise nouvelle pour les opérateurs ferroviaires, les régions et au bout de la chaîne pour le voyageur? L'Autorité de régulation des transports (ART) a approuvé ce jeudi les hausses des péages ferroviaires pour les années 2024, 2025 et 2026 de SNCF Réseau.
L'ART "rend un avis favorable sous réserves sur les péages ferroviaires 2024-2026 proposés par SNCF Réseau, après leur annulation par le Conseil d'État" en mars pour irrégularité de la procédure de fixation des tarifs, a annoncé le régulateur dans un communiqué. Elle "valide la quasi-totalité des nouvelles dispositions tarifaires mais appelle SNCF Réseau à la poursuite de l'amélioration de la tarification".
Rappelons que chaque opérateur (la SNCF, mais aussi les nouveaux acteurs comme Trenitalia ou la Renfe) qui utilise les voies du réseau doit en effet payer un droit de passage, des péages qui varient en fonction de la ligne et du nombre de trains.
Besoin cruel d'argent
Ils font partie des plus chers d'Europe, peuvent représenter jusqu'à 40% du prix d'un billet de TGV, mais permettent à SNCF Réseau de financer l'entretien des voies. Un enjeu crucial tant le réseau secondaire (hors TGV) a besoin d'être régénéré.
Ces augmentations (8% en moyenne par exemple pour 2024) doivent compléter des financements jugés insuffisants pour la filiale du groupe SNCF. D'autant plus que selon nos informations, les recettes attendues cette année seront inférieures aux objectifs fixés. De nouveaux acteurs qui devaient se lancer ont pris du retard. SNCF Réseau a cruellement besoin d'argent.
Par ailleurs, la filiale (qui est une entreprise publique de droit privé comme la SNCF) a l'obligation de présenter des comptes équilibrés et avoir un flux de trésorerie libre à zéro.
Plus de rentrées financières pour SNCF Réseau représente donc un levier essentiel pour moderniser un réseau vieillissant et pour ses comptes. Mais ces augmentations ont un revers, elles renchérissent le coût d'exploitation par les autorités organisatrices comme les régions (pour les TER), et les compagnies ferroviaires.
Des régions vent debout contre ces augmentations
Huit régions sur douze, ont ainsi rejeté et contesté les augmentations exigées pour les années 2024, 2025 et 2026 et avait même obtenu gain de cause auprès du Conseil d'État qui avait demandé à SNCF Réseau de revoir sa copie.
"Cette décision sanctionne la politique opaque menée sur les péages par la SNCF qui, finalement, pénalise des millions d'usagers", commentait alors la région Auvergne-Rhône-Alpes, dans une déclaration transmise à l'AFP.
Maintenant validées, il sera difficile pour les régions de ne pas augmenter le prix des billets des TER.
Même chose pour SNCF Voyageurs qui applique chaque année des augmentations de tarifs, notamment sur les TGV pour prendre en compte l'augmentation de ses coûts: les péages, mais aussi l'énergie, les hausses de salaires etc.
Pressé par le gouvernement de modérer ses hausses, la SNCF est officiellement restée dans les clous de l'inflation cette année (+2,6% en moyenne alors que ses coûts progressent de 13%) après +5% en 2023 (selon le régulateur, c'est plus), mais qu'en sera-t-il en 2025 avec des péages bien plus élevés?
D'autant plus qu'une partie des bénéfices de SNCF Voyageurs est reversée via un fonds de concours, à SNCF Réseau.
Un frein à l'ouverture du marché?
La barrière des péages est également un frein à la concurrence. Si les acteurs historiques (les filiales d'opérateurs nationaux comme Trenitalia France) peuvent supporter ces hausses, elles ont pour conséquence d'éloigner encore plus les espoirs de rentabilité.
Quant aux acteurs partant de zéro (Le Train, Proxima, Kevin Speed), cette perspective bouscule un modèle économique déjà très fragile compte tenu du besoin colossal en capital pour lancer une activité ferroviaire.
D'un autre côté, ces acteurs disent avoir déjà prix en compte dans leurs plans de financement ces augmentations de péages qui étaient programmées depuis longtemps.
De son côté, SNCF Réseau nuance ces conséquences néfastes. "Notre rôle, c'est attirer des clients", souligne-t-on. La filiale dit tout faire pour proposer "des conditions favorables" aux nouveaux entrants en accordant par exemple "une tarification négociée" aux acteurs qui proposent de nouvelles dessertes, soit des rabais pendant trois ans maximum.
Trenitalia en a profité, mais cette période de grâce va se terminer. L'entreprise italienne sera-t-elle alors forcée d'augmenter ses prix? Étant donné le poids de la concurrence des TGV sur la ligne Paris-Lyon, elle devra plutôt prendre sur ses marges si elle veut rester compétitive. Comment feront des acteurs plus petits pour être viables?
L'équilibre est donc très difficile à trouver entre nécessaire financement de l'entretien du réseau, un enjeu prioritaire, et préservation de conditions de marché attractives pour la concurrence afin de faire progresser encore la part du train dans les déplacements et in fine... faire baisser les prix.