Plus que le coût de la main d'œuvre, c'est bien la fiscalité qui plombe l'industrie française

Le secteur de l'industrie prévoit d'embaucher, mais plutôt à l'étranger. - Jeff Pachoud - AFP
"Est-ce que ce n'est pas la crise de trop?" s'interrogeait, cette semaine, Philippe D'Ornano, le patron de Sisley et co-président du Mouvement des entreprises de taille intermédiaire (Meti), sur BFM Business.
Pour l'industrie française, le coronavirus est un nouveau coup dur alors que le secteur semblait reprendre des couleurs depuis plusieurs années.
Un renouveau qui contrastait avec des décennies de déclin, comme le rappelle un nouveau rapport de France Stratégie, une institution (indépendante) rattachée au Premier ministre.
"La France est parmi les grands pays industrialisés celui qui a subi la plus forte désindustrialisation durant les dernières décennies" soulignent les auteurs. "Depuis 1980, les branches industrielles ont perdu près de la moitié de leurs effectifs (2,2 millions d’emplois), et l’industrie ne représente plus aujourd’hui que 10,3 % du total des emplois."
Résultat, la part de l’industrie dans le PIB a reculé de 10 points sur la même période en France et s’établissait ainsi à 13,4 % en 2018, contre 25,5 % en Allemagne, 19,7 % en Italie, ou encore 16,1 % en Espagne.
Des taxes parfois ubuesques
Longtemps, l'argument se résumait au coût de la main d'œuvre, trop important par rapport aux pays en développement. En réalité, ce facteur n'explique pas la domination allemande, qui a su maintenir une industrie forte sur son territoire. D'ailleurs, "la hausse des salaires au cours des vingt dernières années a été similaire à celle de la moyenne des pays de la zone euro" tranche le rapport.
Le principal facteur est d'abord la fiscalité:
"L’industrie en France est soumise à un taux de prélèvements obligatoires supérieur à celui qui prévaut dans les autres secteurs, alors même qu’elle est exposée à une plus grande concurrence internationale", poursuivent les auteurs. "Alors que les responsables politiques de tous bords affichent régulièrement leur soutien à l’industrie, il s’avère que le pays a fait le choix collectivement d’en faire un secteur plus taxé que les autres."
Au total, la différence des niveaux de taxation avec l’Allemagne s’élève à 10,7 points de la valeur ajoutée du secteur manufacturier dont plus de la moitié en raison des fameux impôts de production, régulièrement critiqués par la profession.
Certaines taxes s'appliquent sur le chiffre d'affaires, alors même que l'entreprise ne réalise aucun bénéfice. Parfois, elles sont totalement ubuesques : "nous sommes taxés sur les transports en commun alors que nos sites ne sont pas accessibles par des transports en commun" résumait sur BFM Business Elizabeth Ducottet, PDG du groupe Thuasne.
Le déclassement français s'explique aussi par des mauvais choix. Plutôt qu'une montée en gamme, choix réalisé en Allemagne dans les années 1980, l'industrie tricolore a choisi la délocalisation. A l'heure où il est question de relocaliser des secteurs "essentiels", la France se retrouve un peu démunie.
Pourtant, les premières réponses ont été apportées par le CICE et le Pacte de responsabilité de François Hollande pour apporter plus de compétitivité à l'industrie. "Établies suite à la prise de conscience suscitée par le rapport Gallois de 2012 pointant le risque de marginalisation de l’industrie française face à la dérive de ses coûts, ces mesures ont contribué à combler l’écart de coût salarial unitaire (tous secteurs confondus) vis-à-vis de l’Allemagne" indique France Stratégie.
Le gouvernement actuel a poursuivi ce travail en annonçant cette année, une baisse de dix milliards d'euros des impôts de production. Un bon début, rappelait Philippe D'ornano, mais pas suffisant dans un contexte de crise économique.