Paris succombe à la vague des restaurants éphémères

Les propriétaires qui ont acheté un bien immobilier il y a 20 ans sont les grands gagnants de la vague de hausse de prix qu'a connue Paris. - Bertrand Guay - AFP
Ouvrir un restaurant le temps d'un été, c'est le pari que relèvent de plus en plus de chefs. Chaque année, de nouveaux établissements éphémères ouvrent dans la capitale. Avec, à leur tête de jeunes chefs, tout droit sortis de l'émission Top Chef, un concours culinaire télévisé devenu une usine à stars. Rien que cet été, cinq anciens candidats se sont lancés dans cette nouvelle formule de restauration.
Sarah Mainguy, finaliste de l'édition 2021, a ainsi décliné son restaurant Vacarme, installé à Nantes en "Le Grand Vacarme". Un établissement éphémère installé dans Le Grand Quartier, un hôtel du Xème arrondissement de Paris. Ouvert depuis le 29 juin, le lieu ne désemplit pas.
"La cuisine a pris de plus en plus d'ampleur dans le paysage lifestyle, surtout depuis la crise sanitaire", explique Julie Gerbet, ancienne journaliste et co-fondatrice de l'agence La Relève, qui s'occupe de jeunes talents de la cuisine. Pendant les longues soirées de confinement, les Français n'ont jamais autant regardé l'émission de M6, qui a battu des records d'audience.
Julie Gerbet a été chargée par l'hôtel de trouver un chef pour reprendre, le temps d'un été, son restaurant. La forme juridique est celle d'une concession, une sorte de gérance qui permet d'exploiter un lieu moyennant le versement d'une redevance. Les restaurants et boutiques des musées et des institutions publiques fonctionnent ainsi.
"Pour occuper le patio de l'hôtel, nous avons tout de suite pensé à Sarah car elle a une cuisine très végétale. En plus, elle n'a pas de restaurant à Paris. Le public étant curieux de goûter à la cuisine des chefs qu'ils ont regardé à la télévision, c'était une bonne opportunité", détaille Julie Gerbert.
Les clients qui se rendent au restaurant Le Grand Vacarme peuvent ainsi déguster certains plats qui l'ont démarquée dans la compétition, à l'image d'un poireaux millefeuilles, lait d'anchois et chèvre.
Un business rentable
Quand le public a appris qu'il avait remporté le concours, Mohamed Cheikh avait déjà ouvert Manzili, son restaurant éphémère idéalement installé en plein coeur du Jardin des Plantes à Paris, ouvert avec un mastodonte de l'hôtellerie-restauration, le groupe Bertrand. Une aubaine pour celui qui n'avait pas encore de restaurant en propre où acceuillir le public et les journalistes.
Mohamed Cheikh ne s'est pas associé à n'importe qui. Le puissant groupe Bertrand se cache derrière les plus grandes brasseries comme l'historique Au Pied de cochon, mais aussi derrière les restaurants parisiens Auteuil Brasserie ou encore l'Île de l'île Saint-Germain. Le groupe gère aussi les concessions du Château de Versailles, du Jardin des Tuileries, du Jardin du Luxembourg et donc, notamment, du Jardin des Plantes.
L'opération a été arrangée avec l'agent de Mohamed Cheikh. "C'était une première pour nous de confier tout un lieu à un chef", affirme Philippe Claude, directeur général du groupe Bertrand. Les précédentes opérations réalisées avec des chefs consistaient la plupart du temps à ajouter quelques plats à la carte d'un lieu.
Difficile de trouver une table chez Manzili. "On ouvre les réservations sur quinze jours ou trois semaines et en une heure, c'est déjà complet", se félicite Philippe Claude. Un succès qu'il attribue surtout à la cuisine de Mohamed Cheikh, à propos de laquelle les critiques gastronomiques sont unanimes. "Si ce n'était qu'un coup de communication, ça n'aurait pas duré longtemps", affirme le directeur général du groupe.
Le restaurant, ouvert jusqu'au 3 octobre, est une aubaine pour Mohamed Cheikh qui peut tester sa cuisine méditerranéenne auprès du public avant d'ouvrir, peut-être, son propre établissement. Il y gagne aussi financièrement: il touche un pourcentage sur le chiffre d'affaires et sur le résultat d'exploitation.
En plus des restaurants de Mohamed Cheikh et de Sarah Mainguy, les amateurs de cuisine peuvent essayer celui de Chloé Charles, seule cheffe indépendante de la dernière saison de Top Chef, qui a ouvert "Les Jardins d'Olympe" dans les cours du musée Carnavalet.
Son collègue Guillaume Sanchez, candidat à l'édition 2017, a lui pris la tête pour l'été du Silencio pop-up, un établissement qui allie cinéma et gastronomie. Quant à Diego Alary, il a pris en main le restaurant du Wanderlust pour l'été 2021.
Il prend ainsi la suite d'Alexia Duchêne, également sortie de Top Chef, qui avait imaginé l'année dernière une carte 100% street-food. Un peu plus loin, Mory Sacko avait lui créé la terrasse éphémère "Edo" au Palais de Tokyo. Cette année, le jeune chef étoilé a fait voyager Edo hors des murs de la capitale. Le concept a ouvert en juin et juillet à Lyon, et est désormais implanté à Marseille, jusqu'à fin septembre.