Les nouveaux TGV de la SNCF vont-ils vraiment sauver Alstom ?

Un ouvrier travaille sur un TGV dans une usine Alstom. (image d'illustration) - Frédérick Florin - AFP
C'est un contrat à 3 milliard d'euros que la SNCF a confié à Alstom. "La plus grosse commande de TGV jamais passée en France", selon Guillaume Pepy, le PDG de la SNCF.
En commandant formellement "une centaine de rames" de la cinquième génération de TGV, l'opérateur ferroviaire français a confirmé une annonce prématurée, faite le 22 mars par le ministre de l'Économie, Bruno Le Maire à l'issue d'un comité de suivi de la fusion entre Alstom et Siemens.
Ce contrat est en effet une bouffée d'oxygène pour Alstom, dont certaines usines étaient menacées depuis le rapprochement du constructeur ferroviaire français avec son concurrent allemand Siemens. La commande effectuée par la SNCF est notamment cruciale pour le site historique de Belfort, dont les commandes de TGV assuraient seulement jusqu'ici de l'activité pour les salariés jusqu'en septembre 2019.
"Une bonne nouvelle pour tous les sites" d'Alstom
Pour rappel, Alstom emploie 460 salariés à Belfort, 9000 en France et 34.500 dans le monde. Grâce au marché passé par la SNCF, l'usine de Belfort sera chargée de la fabrication de 20 motrices par an pendant dix ans.
C'est "une bonne nouvelle pour tous les sites", a affirmé un porte-parole d'Alstom. Les "premiers sous-ensembles seront produits à partir de mi-2020, ce qui assurera de la charge au site" de Belfort. Selon le calendrier de production du constructeur, la livraison des premières séries commencera en 2023 et se terminera en 2031.
Pour l'économiste Marc Ivaldi, professeur à l'école d'économie de Toulouse, "il est certain que d'avoir un carnet de commandes bien rempli n'est pas une mauvaise chose" pour Alstom dans son contexte de rachat par Siemens, notant qu'ainsi "la mariée est plus jolie".
"Une équation économique compliquée" pour la SNCF
Alstom avait remporté en 2016 l'appel d'offres pour développer avec la SNCF cette nouvelle génération de TGV. Selon Guillaume Durant, responsable du secteur ferroviaire au cabinet de conseil Wavestone, "c'est plutôt l'État qui a poussé les décisions en 2016 au moment où il fallait sauver Alstom, et qui a essayé d'obtenir ces commandes".
Pour la SNCF, cette énorme commande se traduit par "une équation économique compliquée", souligne l'expert. Et de rappeler que "les budgets sont limités" pour la société de chemins de fer. "Dans un contexte économique un peu tendu avec les grèves, il faut investir dans les TGV car la concurrence arrive", explique Guillaume Durant, "mais il faut aussi maintenir les infrastructures, ça fait plusieurs fronts assez stratégiques à gérer."
Une situation d'autant plus délicate que, dans le cadre de la réforme de la SNCF, promulguée fin juin après plusieurs mois de grèves et de débats parlementaires, l'exploitant ferroviaire va devenir une société anonyme et non plus un établissement public à caractère industriel et commercial (Epic).
"La SNCF va avoir un nouveau statut dans deux ans où elle ne pourra plus faire de déficit. Si elle en fait, l'État ne pourra pas rembourser", relève cet expert.