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Energie

Qui va empocher les dollars des copieuses ressources ukrainiennes de pétrole et de gaz une fois la guerre terminée?

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Outre les minerais, le récent accord signé entre Kiev et Washington prévoit de financer les projets d'extraction de pétrole et de gaz, ressources dont l'Ukraine conservera la propriété et le contrôle.

Des champs de blé à perte de vue... mais pas que. Dans le cadre de leur récent accord, Kiev et Washington vont créer un fonds d'investissement pour la reconstruction de l'Ukraine lequel recevra 50% des redevances tirées de projets liés à l'exploitation de ressources naturelles du pays qui en conservera la propriété et le contrôle, ainsi que de leurs infrastructures.

Et ces ressources ne se limitent pas aux terres rares ou aux minerais dont l'Ukraine, qui concentre quelque 5% des ressources minières mondiales, est le 40ème producteur à l'échelle du globe toutes catégories confondues (charbon inclus) selon la publication World Mining Data en 2024.

Parmi les 57 types de ressources naturelles concernées, figurent aussi le gaz et le pétrole que l'Ukraine produit de plus en plus elle-même, en particulier depuis la détérioration de ses relations avec le voisin russe. Selon des médias, la Russie, qui a envahi son voisin ukrainien il y a trois ans, cible d'ailleurs depuis quelques mois des sites de production de pétrole et surtout de gaz concentrés principalement dans les régions de Poltava (centre) et Kharkiv (nord-est). Le ministère russe de la Défense estime que ces "infrastructures énergétiques et gazières" alimentent le "complexe militaro-industriel" ukrainien.

Des capacités de production gazière amputées de près de 50%

Ces attaques à répétition, que l'Ukraine mène également en retour sur les infrastructures énergétiques russes, nuisent particulièrement aux capacités de production gazières de Kiev. Les frappes russes sur les infrastructures gazières pendant l'hiver ont ainsi réduit de moitié la production nationale de gaz en Ukraine, a annoncé en début de semaine le Premier ministre ukrainien, qui espère notamment compenser ces pertes par des importations en vue de l'hiver prochain.

La Russie pilonne les installations énergétiques - surtout électriques - ukrainiennes depuis le début de son offensive de grande envergure contre l'Ukraine en 2022 mais c'est l'hiver dernier, selon des médias, qu'elle a commencé à spécifiquement cibler les sites de production de pétrole et surtout de gaz. "Cet hiver, l'ennemi a effectué une série d'attaques massives contre les infrastructures ukrainiennes de production de gaz" et "infligé des pertes qui se montent à presque 50% de l'ensemble de la production", a déclaré le Premier ministre Denys Chmygal, d'après une vidéo diffusée par son service de presse.

"Nous travaillons activement en vue de compenser ces pertes, en particulier par la voie des importations", a-t-il ajouté au cours d'un conseil des ministres à Kiev.

Le gouvernement cherche à "diversifier les sources d'approvisionnement énergétique pour avoir le volume suffisant de gaz l'hiver prochain", a-t-il poursuivi. Il a aussi promis de simplifier des procédures pour des entreprises privées travaillant dans le secteur afin d'"accélérer" la production nationale.

Près de 20 milliards de mètres cubes de gaz produits l'année dernière

Fin mars, les médias ukrainiens estimaient que le pays avait déjà perdu près de 40% de ses capacités de production de gaz et serait désormais contrainte d'en importer des volumes considérables l'hiver prochain. La production de gaz nationale a chuté de 6% en 2022, avec le début de l'invasion russe, avant de se reprendre légèrement l'année suivante. En 2024, l'Ukraine en avait produit plus de 19 milliards de mètres cubes, une hausse de 2% par rapport à 2023, selon des experts.

Ce pays a traversé l'hiver en n'utilisant que son propre gaz, pour la première fois de son histoire, selon la compagnie nationale Naftogaz. Le 28 mars dernier, l'opérateur énergétique avait justement accusé la Russie d'avoir frappé ses infrastructures gazières, en violation d'un fragile accord annoncé par Washington et censé interdire les frappes sur les sites énergétiques, qualifiant cette frappe de "tentative" russe de "saper la stabilité énergétique" de l'Ukraine. Autrefois fortement dépendante du gaz russe, le pays a commencé il y a une dizaine d'années à se tourner avec succès vers d'autres fournisseurs et à développer sa propre production.

Timothée Talbi avec AFP