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Du gaz russe sur 25 ans: pourquoi TotalEnergies est bloqué par ses contrats

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Le groupe français –comme ses concurrents– est contraint d'honorer des contrats à long terme avec la Russie sur le gaz.

Même en temps de guerre, difficile de balayer d'un revers de main les contrats. Ce mercredi sur RTL, le patron de TotalEnergies est venu rappeler les difficultés qu'impliqueraient la fin de l'approvisionnement de l'Europe en gaz russe. Au-delà des effets économiques sur l'Europe (qui dépend en grande partie de ce gaz) le groupe pétrolier est aussi tenu par des contrats qui s'étendent sur plusieurs décennies.

Car la majorité du gaz européen est acheté via des contrats long terme.

Plutôt que d'acheter du gaz sur le marché spot ou futures (avec des livraisons qui vont de quelques jours à quelques mois), les contrats à long terme se négocient sur 25 ou 30 ans. La plupart du gaz européen est négocié de cette façon.

Prix accolés au marché

Principal atout: ils permettent d'assurer une continuité dans la livraison puisqu'en cas de tension sur la production, ils seront prioritaires. Pour les fournisseurs, c'est aussi une assurance sur l'avenir qui permet de financer ses investissements.

Une clause "Take or Pay" oblige ainsi le pays acheteur à payer une quantité minimale de gaz (consommée ou non) tandis que le pays producteur s'engage à livrer une certaine quantité de gaz. Ces contrats long terme participent aussi à la stabilité des prix du gaz.

Mais ces contrats n'assurent pas un prix fixe sur toute la durée de l'approvisionnement. Historiquement, les prix étaient intimement liés à ceux du pétrole (car les deux énergies étaient substituables) mais ils sont désormais de plus en plus souvent accolés aux prix des marchés de gros et fluctuent donc fortement en cas de crise.

Au début des années 2000, l'arrivée du gaz de schiste américain a ainsi fait chuter les prix du gaz qui s'échangeaient encore à 10 euros/MWh en 2009. Une excellente opportunité pour les acheteurs. Mais tout s'est désormais inversé: avec la crise en Ukraine, le gaz vaut dix fois plus pour des livraisons en avril.

Force majeure

Casser un contrat long terme exposerait forcément l'acheteur à des pénalités énormes. "Des milliards" soulignait Patrick Pouyanné. Shell, qui avait annoncé son intention de se retirer du pétrole et du gaz russes, avait bien précisé que cela concernait les contrats à court terme. Les contrats à long terme ne seront simplement pas renouvelés. Même chose pour BP qui a promis d'honorer ses contrats avec la Russie.

Ils existent néanmoins des exceptions, comme l'a précisé le patron de TotalEnergies: un embargo décidé par les Européens serait une clause de force majeure puisque la sécurité de l'approvisionnement serait forcément menacée.

"Mes concurrents continuent de prendre le gaz russe parce qu’on a des contrats long terme et qu’on ne sait pas les arrêter, sauf si les gouvernements décident de sanctions qui font qu’on peut utiliser la force majeure. Si j’arrête le gaz russe, je paie des milliards immédiatement aux Russes" a martelé Patrick Pouyanné.

Une éventualité encore peu réaliste tant les Européens dépendent encore du gaz russe. En janvier dernier, la Commission européenne avait néanmoins proposé de mettre un terme, à partir de 2049, aux contrats à long terme, notamment pour favoriser l'émergence de l'hydrogène. Le délai fixé vient rappeler les difficultés de faire bouger le paquebot énergétique.

Thomas Leroy Journaliste BFM Business