Butane, propane… Pourquoi ces énergies ont bien moins augmenté que le gaz naturel et le fioul

Que ce soit pour se chauffer, cuisiner, produire de l’eau chaude ou se déplacer, onze millions de foyers français situés pour la plupart dans les 27.000 communes non raccordées au réseau de gaz naturel dépendent aujourd’hui des gaz de pétrole liquéfiés (GPL) pour leurs besoins en énergie. Distribués depuis les années 1930 en France, les GPL (à ne pas confondre avec le GNL) regroupent le gaz butane (en bouteille), le gaz propane (en citerne) et le carburant GPL utilisé par 220.000 automobilistes.
Reprise économique post-Covid, guerre Ukraine… Exception faite du carburant GPL qui a bénéficié de la remise de 18 centimes sur les carburants, les tarifs des gaz de pétrole liquéfiés, n’ont pas été épargnés par les événements des derniers mois. Dans le détail, le prix de la bouteille de gaz butane de 13kg (hors consigne) est passé de 34,74 euros à 38,16 euros en moyenne entre juin 2021 et juin 2022, soit une hausse de 9,88% en un an, selon l’Insee.
De son côté, la tonne de propane (hors location de citerne) a vu son prix moyen grimper de 16,68% sur la période (2111,12 euros en juin 2022 vs 1809,26 euros en juin 2021), d’après les chiffres du ministère de la Transition écologique.
Des gaz qui ne viennent pas de Russie
Ces hausses sont plus conséquentes que l’augmentation des prix de l’électricité (+7,6% en juin sur un an, grâce au bouclier tarifaire) mais nettement inférieures à la flambée des prix du gaz naturel (+44,4%). Il faut dire que le "gaz de ville" n’a rien à voir avec le propane et le butane: "Ce ne sont pas les mêmes gaz. Ils sont distribués par des fournisseurs différents", explique Butagaz, l’un des quatre grands fournisseurs de GPL.
Le butane et le propane sont des gaz récupérés soit via le raffinage du pétrole soit lors de l'extraction du méthane des champs de gaz naturel. Les producteurs français s'appuient à 30% sur la production issue des raffineries et à 70% des exploitations gazières situées en Algérie et en Norvège. "Comme ils ne sont pas importés de Russie et de Biélorussie, leur marché n’a pas subi les mêmes conjonctures très haussières que celui du gaz naturel, même s’il a pu subir des aléas liées aux tensions très fortes sur les marchés de l’énergie", souligne Audrey Galland, directrice générale de France Gaz Liquides.
"Au-delà du coût des gaz liquides, (…) ceux des matières premières (dont le métal), et du transport ont eux aussi augmenté, ce qui a renchéri le prix des bouteilles et du gaz en citerne", note également Butagaz. Reste que l’augmentation des prix des gaz propane et butane apparaît bien plus modérée que celle du fioul domestique (+90,31% en juin sur un an). De fait, "le fioul est directement indexé sur le cours du pétrole: il a donc subi les mêmes tensions de prix que les carburants", poursuit Audrey Galland.
Le propane plus cher que le gaz naturel
Malgré une hausse des prix plus contenue, se chauffer au propane reste bien plus cher qu'avec le gaz naturel. D’autant que ce dernier a bénéficié du bouclier tarifaire, via un blocage des tarifs réglementés (TRV), limitant ainsi l’envolée des factures pour le consommateur. Pour une consommation de 14.000 kWh, Engie estime aujourd'hui à un peu moins de 1500 euros la facture annuelle moyenne d’un foyer ayant souscrit un contrat au TRV, contre un peu plus de 1100 euros il y a un an.
S’agissant du propane, on estime la consommation moyenne d’une maison à 19.043 kWh par an, soit 1370 kg de propane. Aux prix de juin 2022, cela correspond à un coût moyen de 2892 euros par an (hors location et entretien de la citerne), contre 2479 euros en juin 2021. Rappelons toutefois qu’il ne s’agit que d’une moyenne et qu’il est très difficile de donner un prix précis compte tenu du nombre d’offres et dans la mesure où le budget varie en fonction du type d’habitat, du niveau d’isolation, de la configuration du logement, etc.
Toujours est-il que les GPL semblent devenir bien plus intéressants que le fioul dont le prix a explosé ces derniers mois. Sachant qu’une maison de 100m² consomme en moyenne 2000 litres de fioul par an, la facture moyenne revenait en juin à 3341 euros, soit près du double d’il y a un an (1756 euros).
Les GPL gagnants de la suppression du bouclier tarifaire?
Les fournisseurs de gaz de pétrole liquéfiés espèrent tirer leur épingle du jeu dans les mois qui viennent. Car si "l’Etat a assuré un support conséquent au gaz naturel et à l’électricité pour les consommateurs, cela risque de ne plus être le cas en fonction de l’issue des débats budgétaires", relève Audrey Galland.
En effet, le bouclier tarifaire bloque aujourd’hui artificiellement les prix du gaz naturel payé par le consommateur. Mais "la comparaison des cours, qui reflète davantage la réalité des marchés et donc la perspective des prix pour 2023, montre aujourd’hui que le propane bénéficie d’une stabilité et d’un avantage compétitif historique", indique encore la directrice générale de France Gaz Liquides.
A ce stade, l’exécutif prévoit de maintenir le bouclier tarifaire jusqu’à 2023. Sans cette protection, le gaz de ville aurait été à la rentrée deux fois plus cher que ce qu’il n’était au 1er octobre 2021, selon la CRE. Mais le porte-parole du gouvernement Olivier Véran a prévenu: si le bouclier ne sera pas supprimé "d’un coup", il ne pourra pas non plus "indéfiniment geler les prix".
Les GPL pour pallier les éventuelles difficultés de l'hiver
Au-delà de la question du prix, les acteurs de la filière voient dans les GPL une alternative idéale au gaz naturel à l’heure où l’Europe craint des pénuries en raison des baisses des livraisons de gaz russe: "Du fait d’un approvisionnement sécurisé et d’une capacité logistique et de distribution dans la France entière (y compris hors métropole ou dans les zones les plus reculées), le propane et le butane seront disponibles l'hiver prochain, tout comme le GPL carburant pour les véhicules, à un prix très compétitif à la pompe (0,85€/L en moyenne)", poursuit Audrey Galland.
Dans un texte publié dans La Tribune, les dirigeants d’Antargaz, Butagaz et Primagaz assuraient déjà début juillet que les millions d’utilisateurs des GPL atténuaient "sans doute sans en avoir conscience- les tensions qui pèsent sur notre système énergétique". Ne serait-ce qu’avec "les 10 millions de bouteilles de gaz utilisées" par les Français et qui "représentent l'équivalent de 20 réacteurs nucléaires en puissance de pointe.(…) Ce n'est pas rien", rappelle Audrey Galland.
De plus "énergétiquement responsable et solidaire, la filière des gaz liquides, 3e énergie des Français, est en mesure de doubler son soutien au réseau électrique et de gaz naturel grâce à ses bouteilles et ses citernes de butane, propane et GPL", assuraient les auteurs de la tribune.
Enfin, les fournisseurs de GPL veulent s’imposer comme la première alternative au chauffage au fioul, lequel est désormais interdit dans les nouvelles maisons. D’autant que le propane émet 50% d’émissions de CO2 en moins, assurent-ils.