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Enchères et soupçon de conflit d’intérêts: comment le fonds américain CD&R a raflé Doliprane

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Le fonds américain et le Français PAI se sont livrés une bataille féroce. Un administrateur de Sanofi travaille pour le fonds américain depuis plusieurs années.

"Il en avait très envie et se préparait depuis le début de l’année", résume un bon connaisseur du dossier. Le fonds américains Clayton Dubilier & Rice (CD&R) a été choisi vendredi par Sanofi pour lui racheter sa filiale de médicaments sans ordonnance, Opella. Une quinzaine de grosses marques dans une centaine de pays dans le monde, dont le très sensible Doliprane.

CD&R faisait figure de favori après avoir proposé le meilleur prix, comme l’avait révélé BFM Business mercredi. La course aux enchères durait depuis une semaine. Il y a dix jours, Sanofi avait demandé une amélioration des offres aux deux candidats, le fonds américain et son rival français PAI. CD&R avait alors proposé un prix de 15,35 milliards d’euros pour Opella, dont il prendrait le contrôle avec 51% du capital.

Course aux enchères

Le week-end dernier a donné lieu à d’intenses tractations alors que l’offre de PAI était inférieure de 350 millions d’euros. Le fonds français a alors surenchéri en ajoutant 500 millions d’euros à son offre, mardi, pour coiffer CD&R au poteau. Mais les Américains, riches d’un fonds de 26 milliards d’euros, n’ont pas hésité à s’aligner.

Alors que le gouvernement surveille les intérêts du Doliprane, PAI pensait que sa nationalité française pèserait dans la balance.

"Nous sommes sidérés par ce choix incompréhensible alors qu’on était au même niveau de prix", peste un proche du fonds français.

"Nous étions très proches", reconnaît le camp adverse qui juge que CD&R a gagné justement car il est Américain. "La croissance future d’Opella est aux États-Unis", explique un candidat qui a regardé le dossier il y a quelques mois. À l’inverse, celle du Doliprane, vendu essentiellement en France, est plus atone.

Embarrassant conflit d’intérêt du président de Danone

Le choix de Sanofi pour CD&R fait grincer des dents alors qu’un de ses dirigeants est en position de conflit d’intérêt. Gilles Schnepp est membre du conseil d’administration du groupe pharmaceutique depuis mai 2020. Et depuis septembre 2020, l’actuel président de Danone est devenu "conseiller" de CD&R. Il représente aussi le fonds américain au conseil d’administration de Socotec dont il détient 29% du capital.

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Une source proche du dossier assure que Gilles Schnepp n’a pas participé aux conseils d’administration qui traitaient de la vente de Doliprane. Et qu’il n’a, par conséquent, pas voté lors de sa réunion décisive jeudi. Du coté du fonds américain, on assure que les liens ont été coupés depuis plusieurs mois. Une situation qui ne passe pas dans le camp de PAI.

"Le président de Sanofi, Frédéric Oudéa, a refusé de rencontrer le patron de PAI alors qu’il a rencontré celui de CD&R par l’intermédiaire de Gilles Schnepp", s’emporte un proche du fonds.

Une polémique peut-être plus gênante que les critiques politiques, de LFI au Rassemblement national, qui naissent depuis vendredi matin.

Matthieu Pechberty Journaliste BFM Business