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"Impensable", "scandale": les parlementaires s'insurgent contre la vente du Doliprane à un fonds américain

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De nombreux parlementaires ont alerté sur les risques pour la souveraineté sanitaire d'une telle opération. Ils demandent au gouvernement d'agir pour stopper la cession de la filiale de Sanofi Opella, qui produit et commercialise le Doliprane en France.

La classe politique monte au créneau. Après l'annonce ce vendredi de la probable cession d'Opella, filiale de Sanofi qui produit et commercialise le Doliprane en France, au fonds américain CD&R, de nombreux élus de tous bords ont dénoncé les risques qu'une telle opération ferait peser sur la "souveraineté sanitaire" de la France et ont appelé le gouvernement à s'y opposer.

Jeudi 10 octobre, le conseil d'administration de Sanofi a choisi d'écarter la proposition du fonds d'investissements français PAI au profit de son rival américain. Ce dernier aurait proposé une offre plus intéressante, de l'ordre 15,5 milliards pour une participation de contrôle de 50% dans Orpella.

Souveraineté remise en question?

De quoi faire bondir une large partie de la classe politique française. "Il est impensable d'abandonner notre souveraineté sur la production de ce type de médicament", s'est offusqué Éric Coquerel, président de la commission des Finances et député LFI sur X. Son groupe politique a ainsi demandé le blocage de la cession dans un communiqué où il dénonce une "fumisterie totale" de la part d'Emmanuel Macron sur sa stratégie industrielle.

En effet, le président de la République s'est lancé dans un vaste projet de réindustrialisation au nom de la souveraineté française. Après les épisodes de pénuries de ces dernières années, le chef de l'Etat avait promis des mesures de relocalisation pour certains médicaments jugés essentiels.

Pourquoi Sanofi veut-il vendre ses usines de Doliprane?
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Hasard du calendrier, pour son premier déplacement depuis la nomination de Michel Barnier, Emmanuel Macron s'était rendu dans... une usine Sanofi en région lyonnaise. Le groupe avait expliqué répondre à l'enjeu de souveraineté. Le président y avait loué un site qui sert "notre besoin d'innovation, de prévention, de souveraineté".

"Les capacités de production resteront en France"

De son côté, la députée écologiste, Marine Tondelier, a dénoncé "un véritable scandale". "Aucune leçon n’aura été tirée du Covid, je demande à ce que la France s’oppose à la vente d’Opella, fabricant du Doliprane, à un fonds américain", a-t-elle dit.

La gauche n'est pas seule à s'indigner sur ce sujet. Cette vente "pose un enjeu très préoccupant pour notre sécurité nationale", écrivent une soixantaine de députés issus des groupes Ensemble pour la République (ex-Renaissance), Horizons, Démocrate (ex-MoDem) et Droite républicaine (ex-LR), à l'initiative du député Charles Rodwell (EPR). "Le Doliprane est un médicament essentiel pour la santé de millions de Français", un "succès pour le groupe Sanofi", et l'opération irait à l'encontre du "rétablissement de la souveraineté française en matière de santé", alertent-ils dans un courrier commun au ministre de l'Economie Antoine Armand.

Le patron du groupe Droite républicaine Laurent Wauquiez, et le rapporteur général du budget de la Sécurité sociale Yannick Neuder (DR), ont également écrit au ministre avec la même demande: "il est indispensable que l'Etat agisse pour protéger nos fleurons industriels et assurer la souveraineté sanitaire de la France".

Eric Ciotti a, lui, appelé "l'État à être particulièrement vigilant sur ce dossier: rapporteur de la commission d'enquête parlementaire sur le Covid, j'avais déjà alerté sur l'impérieuse nécessité de protéger notre souveraineté en matière de santé", a-t-il expliqué X.

"La vente à la découpe de la France se poursuit, a aussi déclaré l'eurodéputé Jordan Bardella sur X. Les risques sur notre souveraineté sanitaire et sur l'emploi sont considérables: il serait incompréhensible que l'Etat laisse faire".

Les parlementaires craignent notamment de potentielles délocalisations qui pourraient avoir des conséquences sur les emplois sur le sol français. "L'offre de CD&R est une offre de développement d'Opella en France et à l'international, répond une source proche du Fonds américain CD&R à BFM TV. C'est une entreprise française qui restera en France et qui continuera à se développer en France. Les capacités de production resteront en France."

De son côté, le ministre de l'Economie, Antoine Armand, et celui de l'Industrie, Marc Ferracci, "respectent le choix de Sanofi de poursuivre des discussions exclusives avec CD&R". Ils estiment qu’il s’agit "d’un fonds d'investissement sérieux qui présente des perspectives positives pour le développement global d'Opella ainsi que pour les sites implantés en France". Toutefois, "un certain nombre d'engagements économiques seront exigés de la part de Sanofi et du futur repreneur CD&R" assurent-ils.

Théodore Laurent