"Si elle renonce à acheter des F-35...": le patron de Dassault tacle la Belgique qui veut participer au programme européen d'avion de combat mais achète "américain"

C'est peu dire qu'il est contrarié: le patron de Dassault Aviation Éric Trappier n'a pas caché son mécontentement face à la demande de la Belgique de rejoindre le programme tri-national de système de combat aérien du futur (SCAF).
S'exprimant à l'occasion de la présentation des résultats semestriels du groupe, Éric Trappier a déclaré:
"Si elle (la Belgique) renonce à acheter des F-35, elle est la bienvenue".
Le patron du constructeur aéronautique a une nouvelle fois fustigé le choix de la Belgique d'acquérir des F-35, produits par le géant américain Lockheed Martin. Bruxelles a indiqué début juillet vouloir passer commande de 11 exemplaires supplémentaires. Une raison de plus, selon lui, de refuser sa participation au SCAF.
"Ils viennent d'annoncer, en pleine guerre commerciale avec les États-Unis, qu'ils allaient racheter du F-35. Je n'ai rien contre, mais ce qui me surprend, c'est qu'au moment où ils disent racheter du F-35, ils veulent rentrer dans le SCAF."
Une participation aberrante?
Un timing incompatible selon lui, puisque les forces aériennes belges devraient opérer leurs F-35 au moins jusqu'en 2060 avant de devoir renouveler leur flotte. "Ça veut dire qu'ils achèteront des avions de combat européens dans 20 ans", a fustigé Éric Trappier.
Il évoque un son de cloche similaire de la part d'autres pays européens: "c'est ce qu'on m'a répondu, 'on est très fan d'acheter des avions européens, mais là on vient d'acheter du F-35, donc revenez nous voir quand le F-35 sera en bout de course', c'est presque plus honnête, pas plus efficace pour la construction de l'Europe, mais plus honnête".
La participation de la Belgique au programme SCAF est aberrante aux yeux du patron de Dassault Aviation, pour qui l'achat d'un avion américain tout en souhaitant bénéficier des retombées économiques et industrielles du SCAF est incohérente.
Le ministère belge de la défense a récemment publié sa vision stratégique, dans laquelle il indique que "le gouvernement demandera au consortium SCAF d'intégrer la Belgique en tant que partenaire à part entière dès que possible". Bruxelles avait rejoint le consortium franco-germano-espagnol en 2023.
La vision stratégique précise que "des ressources budgétaires étaient déjà prévues" dans le cadre de la prochaine phase de développement (qui doit aboutir au vol d'un démonstrateur, un prototype d'avion de combat) et que pour la phase suivante, à partir de 2030, "des budgets seront prévus" – mais sans indiquer de montants chiffrés.
A l'horizon 2040, la Belgique envisage une "flotte mixte", composée de F-35 et d'un avion européen de 6ème génération, "une voix intéressante qu'il conviendra d'explorer".
Bientôt un programme à quatre?
Lancé en 2017 en franco-allemand, le programme d'aviation de combat du futur doit remplacer à terme les Rafale français et les Eurofighter européens. L'Espagne a rejoint le programme en 2019, rendant encore plus compliquées les prises de décisions, comme l'a une nouvelle fois fait remarquer Éric Trappier.
"La question se pose pour l'efficacité du projet qui est à trois pays (...) où il n'y a pas un vrai leader mais trois 'co-co-co'. (…) Comment je peux avoir un leadership alors que j'ai en face de moi quelqu'un qui pèse deux fois plus?", a-t-il tancé.
"Citez-moi un seul exemple de projet ambitieux industriel dans le monde où il n'y a pas un leader", a-t-il poursuivi, mettant une nouvelle fois en avant la réussite industrielle qu'avait représenté le programme de démonstrateur de drone de combat nEUROn (qui servira de base au futur drone accompagnateur du Rafale), mené à six pays mais avec Dassault Aviation en tant que chef de file.
Le programme se trouve actuellement en "phase 1B", pour développer les technologies qui serviront au futur démonstrateur, la phase 2, qui doit être lancée en 2026, prévoit la construction du prototype à proprement parler.
Éric Trappier a par ailleurs réfuté toute velléité de disposer de 80% de participation dans le programme.
Discussions entre Paris et Berlin
Le SCAF sera certainement au menu des discussions du dîner de travail prévu ce mercredi à Berlin entre Emmanuel Macron et le chancelier allemand Friedrich Merz. Le dirigeant allemand avait évoqué il y a quelques jours la perspective de régler les difficultés politico-industrielles prochainement.
En parallèle de cette visite présidentielle, le ministre des Armées Sébastien Lecornu rendra visite à son homologue allemand Boris Pistorius jeudi. Après la visite d'une ligne de production de Rheinmetall dans le nord du pays, les deux ministres tiendront une conférence de presse conjointe.