"Citez moi un exemple de projet ambitieux sans leader": le patron de Dassault étrille une nouvelle fois le Scaf, l'avion de combat européen du futur

Le NGF, l'avion au cœur du Scaf. - PS
Le PDG de Dassault, Éric Trappier, a pointé ce mardi 22 juillet l'inefficacité du programme européen Scaf, le système de combat aérien du futur, développé par la France, l'Allemagne et l'Espagne, estimant qu'il ne pouvait être mené à bien dans sa forme actuelle.
Interrogé pour savoir si Dassault, qui représente la France dans ce projet, était prêt à quitter ce programme, dont il dénonce les problèmes de gouvernance, Éric Trappier a répondu: "ce n'est pas un problème de quitter, c'est un problème de savoir s'il (le projet) continue ou pas".
Lancé par Berlin et Paris en 2017 et rejoint plus tard par Madrid, le Scaf est le plus grand projet de défense en Europe. Il est particulièrement stratégique pour la France, puisqu'il doit notamment fournir un remplaçant au Rafale français à partir de 2040.
Mais il est dominé par les tensions entre Dassault, maître d'œuvre français, et Airbus, qui ne représente pas la France dans ce projet, mais l'Allemagne, via sa branche Defense and Space. Début juillet, la France avait fait savoir à l'Allemagne qu'elle souhaitait obtenir une participation d'environ 80% dans le projet.
Menaces récurrentes de Dassault
Alors que l'Europe cherche à muscler ses capacités de défense, la France et l'Allemagne vont tenter de débloquer le dossier lors d'une rencontre mercredi à Berlin du président Emmanuel Macron avec le chancelier Friedrich Merz.
"La question se pose pour l'efficacité du projet qui est à trois pays (...) où il n'y a pas un vrai leader mais trois 'co-co-co', a lancé Éric Trappier au cours d'une conférence de presse à l'occasion de la présentation des résultats semestriels du groupe, fabricant de l'avion de combat Rafale.
"Comment je peux avoir un leadership alors que j'ai en face de moi quelqu'un qui pèse deux fois plus?", a-t-il ajouté en soulignant que cela créerait des problèmes dans le choix de bons sous-traitants.
"Citez-moi un seul exemple de projet ambitieux industriel dans le monde où il n'y a pas un leader", a-t-il encore lancé.
Dassault avait déjà menacé en avril de quitter le programme Scaf si le cadre n'était pas renégocié d'ici la fin 2025.
Airbus prône pour sa part le respect des accords politiques et industriels conclus et estime que le programme pourrait être compromis sans une intervention politique d'ici fin 2025.
Pression du rival GCAP
Friedrich Merz s'est montré optimiste début juillet sur la possibilité de résoudre prochainement les "divergences" avec la France sur le développement du futur avion de combat tout en insistant sur la nécessité de "respecter les accords conclus".
La phase 1B du programme, lancée en 2023 et qui devrait se terminer en 2026, vise à développer les technologies qui seront embarquées à bord d'un démonstrateur, sorte de pré-prototype, qui doit voler en 2028-2029.
La phase 2 prévoit la construction proprement dite du démonstrateur - que Dassault veut mener - et ses essais en vol.
Les partenaires du programme sont sous pression pour accélérer son développement face à la concurrence d'un projet rival, le Global Combat Air Programme (GCAP), entre le britannique BAE Systems, l'italien Leonardo et le japonais Mitsubishi Heavy Industries.
Interrogé au sujet de l'intérêt manifesté par la Belgique pour le Scaf, M. Trappier s'en est une nouvelle fois pris au choix par ce pays des avions de combats américains F-35 et pas les Rafale "en pleine guerre commerciale".
La Belgique a annoncé début juillet son intention de passer une nouvelle commande de 11 chasseurs F-35 américains dans le cadre de l'augmentation de ses dépenses militaires, le ministre belge de la Défense Theo Francken estimant que le F-35 surclasse ses concurrents.
"Poutine n'a pas peur d'Eurofighter, du Rafale ou du Saab Gripen. Il a peur du F-35 car on ne le voit pas! Il n'y a pas de discussion sur la supériorité de cet avion", a-t-il récemment affirmé au journal belge L'Echo.