Le militaire attire de plus en plus: 43% des entreprises françaises rêveraient d'intégrer l'industrie de défense (même si le secteur est très difficile)

L'attrait est là, mais les difficultés persistent, pour les industriels qui souhaitent entrer dans le secteur de la défense. - PS
Opération séduction. Le secteur de la défense séduit les entreprises: une étude de Bpifrance Lab, intitulée "aux armes dirigeants?", met en avant l'attrait des entreprises pour le secteur. Ainsi, 43% d'entre elles, start-up, PME et ETI, souhaitent développer leur activité dans la défense, "soit par opportunité de développement, soit par contrainte", indique Bpifrance Lab. C'est le cas notamment pour les secteurs jugés "porteurs" comme l'aérospatiale, mais aussi pour des industries telles que l'automobile ou la chimie.
"Le point commun des entreprises candidates à l'effort de défense réside dans leur compétitivité: celles qui déclarent vouloir pénétrer le marché sont plus innovantes, plus exportatrices et plus croissantes que celles qui ne le souhaitent pas", note Bpifrance.
Barrières à l'entrée
Néanmoins, faire partie de la BITD (base industrielle et technologique de défense) ne se fait pas en un claquement de doigt: se basant sur les retours de 1.700 start-up, PME et ETI françaises, dont 45% qui opèrent déjà dans le domaine de la défense, Bpifrance relève plusieurs obstacles qui peuvent freiner le processus.
Ainsi, 73% des dirigeants interrogés qui n'opèrent pas dans le secteur de la défense disent "avoir du mal à se faire identifier par les donneurs d'ordre", seuls 44% citent la complexité des procédures d'appels d'offres.
Les entreprises faisant partie ou voulant faire partie de la BITD font face à d'autres types de difficultés, et notamment la conjugaison entre la nécessité de réaliser un chiffre d'affaires à même de soutenir l'entreprise et le "temps long", celui des programmes d'armement (car il faut plusieurs années avant de développer un nouveau missile, voire plus d'une décennie pour des matériels lourds tels que des chars ou des avions de combat), qui nécessite de disposer d'une solide trésorerie et de pouvoir réaliser des investissements sans attendre de bénéfice à court terme.
"La défense n'est pas la solution à tous les maux", tempère Bpifrance. "Pour une stratégie raisonnée de diversification vers la défense, les PME, ETI et start-up doivent veiller à maintenir suffisamment d'activités civiles."
Les difficultés de la filière
L'autre enseignement de cette enquête, c'est la part non-négligeable de l'export dans le chiffre d'affaires des sociétés qui opèrent déjà dans le secteur de la défense. La vente à l'international étant parfois plus facile que la signature de contrats en France (contraintes réglementaires, appels d'offres, longueur des procédures…), Bpifrance relève que les start-up de la défense réalisent plus de 20% de leur chiffre d'affaires à l'export (ce chiffre est de 16% pour les PME et ETI).
Bpifrance évoque par ailleurs les défis de la filière, notamment le déséquilibre entre les grands donneurs d'ordre et les sous-traitants, ceux-ci pouvant faire face à une pression accrue en matière de production et d'approvisionnement. Les PME et ETI du secteur peuvent aussi cumuler difficultés à lever des fonds et à accéder à des prêts bancaires.
"Ces défis sont de nature à compromettre l'effort de défense à terme, dans le cadre d'une montée en cadence à marche forcée", note Bpifrance.
Réarmement et financement
Une filiale de la Caisse des dépôts alertait déjà en juin dernier sur les risques qui pèsent sur la BITD, qui va devoir "absorber" les conséquences de l'effort de réarmement de la France, suite à la validation de l'objectif de consacrer 3,5% du PIB à la défense.
Bpifrance estime à 15 milliards d'euros le besoin de financement généré par l'effort de défense entre 2025 et 2030, dont 5 milliards d'euros de fonds propres et 10 milliards d'euros de dettes. Cette répartition met en exergue "le besoin significatif d'accompagnement financier des acteurs de la défense".
C'est tout l'enjeu des mesures annoncées en mars dernier, avec une volonté affichée de soutenir les entreprises du secteur de la défense ou qui souhaitent justement l'intégrer. Aux côtés des programmes de financement européens (prêts SAFE pour des projets conjoints par exemple), la mobilisation de l'épargne (notamment avec le lancement du fonds défense de Bpifrance) ainsi que le financement privé pourraient permettre d'accroître les capacités d'investissement des entreprises du secteur.
Une étude de la Fondation pour la recherche stratégique évoque l'apport "fondamental" du secteur financier "pour apporter son concours à l'adaptation du secteur industriel de défense".