"La France n'est pas prête": le constat très dur sur les capacités industrielles à assurer le grand plan de réarmement

Le constat est rude: l'industrie de défense française ne serait pas dimensionnée pour répondre aux enjeux du réarmement, que ce soit pour répondre aux besoins des armées françaises mais aussi pour conforter sa place de 2e plus gros exportateur d'armement au niveau mondial, derrière les États-Unis (selon le classement 2024 du SIPRI).
Le rapport du Groupe SCET (Services conseil expertises et territoires), filiale de la Caisse des dépôts, met en effet en avant les difficultés de la base industrielle et technologique de défense (BITD) face à l'accroissement des dépenses militaires et au réarmement global.
"Or, ni ses capacités industrielles ni ses infrastructures de formation ne sont aujourd'hui calibrées pour faire face à un tel saut d'échelle", peut-on lire dans le document.
Un marché potentiel de 30 à 45 milliards à saisir
Le SCET évoque une BITD "sous tension", limitant la possibilité d'augmenter les cadences de production sans investissements "massifs", ce qui entraînerait à moyen terme le risque de ne pas pouvoir répondre à la demande liée à l'augmentation des budgets au niveau mondial. Selon les calculs du SCET, cette hausse pourrait générer environ 800 milliards de dollars de dépenses de défense supplémentaires par an par rapport à 2024.
Le manque à gagner n'est pas négligeable pour la BITD française, si elle conservait sa part de marché au sein de l'Otan (10-12%): le rapport estime que le marché supplémentaire potentiel serait compris entre 30 et 45 milliards d'euros par an à l'horizon 2035.
Ces montants prennent en compte les décisions actées au sommet de l'Otan les 24 et 25 juin, lors duquel les pays membres de l'Alliance ont validé le principe de consacrer 5% du PIB aux dépenses de défense –dont 3,5% de dépenses militaires et 1,5% de dépenses "annexes" (infrastructures, cyber…).
Cette hausse sans précédent, liée au contexte géostratégique, ouvre donc de nouvelles perspectives à l'export pour des pays comme la France, pour qui les ventes d'armement à des pays tiers représentent un levier de croissance et d'équilibre économique. Cependant, des tensions sur les chaînes d'approvisionnement et dans le domaine du recrutement pourraient menacer le fragile équilibre de la BITD française: le rapport dresse le constat que "la France n'est pas prête à saisir cette opportunité".
Cinq leviers pour réarmer
Le SCET expose cinq leviers pour pallier les difficultés actuelles et procéder à "l'organisation territoriale du réarmement productif".
- La mise en place d'un dispositif dédié pour renforcer la compétitivité industrielle de défense dans des territoires jugés prioritaires, à l'image du programme "territoires d'industrie" lancé en 2018.
- L'accompagnement renforcé des "clusters de défense", pour soutenir les écosystèmes territoriaux (écoles de formation, sites industriels, constitution de réseaux PME-monde académique et laboratoires de recherches-ministère des Armées).
- Renforcer les dispositifs de financement pour consolider le secteur, via Bpifrance et la Direction générale de l'armement.
- Promouvoir la dualité des PME et favoriser l'augmentation de l'activité défense, que ce soit en termes de production ou de chiffres d'affaires.
- Renforcer les efforts de relocalisation en France pour des équipements type munitions, à faible valeur unitaire mais nécessaire en grande quantité.