BFM Business
Défense

Loin derrière les États-Unis mais devant la Russie: la France, deuxième exportateur d'armes de la planète

placeholder video
Les exportations russes en chute libre depuis la guerre en Ukraine ont permis à la France de lui ravir la deuxième place mondiale du marché de l'armement qui reste cependant plus dominé que jamais par les États-Unis.

Les importations d'armes des États européens membres de l'Otan ont plus que doublé ces cinq dernières années et dépendent à plus de 60% de l'armement américain, selon un rapport du Sipri publié lundi. Cet état des lieux intervient au moment où les États de l'Union européenne (UE) affichent leur volonté de renforcer les capacités de défense du continent face au désengagement américain annoncé par Donald Trump.

L'Ukraine est devenue logiquement le premier importateur mondial d'armes sur la période 2020-2024 et les États-Unis ont consolidé leur place de premier exportateur (43% des exportations mondiales), dévoile l'Institut international de recherche sur la paix de Stockholm (Sipri).

Comparé à la période précédente (2015-2019), le poids des États-Unis dans les exportations mondiales est passé de 35 à 43%. Loin derrière, la France est devenue sur la période le deuxième exportateur de la planète avec une part de 9,6% contre 8,6% sur les quatre années précédentes. Elle a notamment profité de l'effondrement des exportations russes depuis la guerre en Ukraine. Le poids de la Russie est passé de 21% à 7,8%.

La France a notamment triplé ses exportations en Europe par rapport à la période 2015-2019, principalement en raison de la vente de Rafale à la Grèce et à la Croatie et à la fourniture d'armes à l'Ukraine. L'Inde reste cependant le premier client de la France (28% des exportations françaises), soit deux fois plus que tous les autres États européens réunis (15%).

Au cumul, l'ensemble des pays de l'UE représente 26,4% des exportations d'armes de la planète. Un poids qui grimpe à 30% si on ajoute le Royaume-Uni.

+105% d'importations pour l'Europe

Sur la période 2020-2024, les importations d'armes par les États européens membres de l'Otan ont bondi de 105% par rapport à 2015-2019, "reflétant le réarmement général en Europe en réponse à la menace de la Russie", relève le Sipri. Une Europe très dépendante des armes américaines qui ont représenté 64% des fournitures contre 52% sur la période 2015-2019.

"Face à une Russie de plus en plus belliqueuse et à des relations transatlantiques sous tension pendant la première présidence Trump", les États européens de l'Otan ont tenté de "réduire leur dépendance aux importations d'armes et renforcer l'industrie européenne de l'armement", a déclaré Pieter Wezeman, chercheur principal au sein du programme "Transfert d'armes" du Sipri, cité dans un communiqué.

"Mais la relation transatlantique en matière d'approvisionnement en armes est profondément ancrée. Les importations en provenance des États-Unis ont augmenté et les États européens de l'Otan ont commandé près de 500 avions de combat et de nombreuses autres armes aux États-Unis", ajoute-t-il.

La France reste peu dépendante des États-Unis, souligne le chercheur auprès de l'AFP, mais d'autres grands pays comme l'Italie ou le Royaume-Uni achètent des avions furtifs F35 ou des systèmes de défense antiaérienne Patriot aux Américains, complexes à substituer rapidement.

"Le F35 est un produit américain mais, dans le cadre de ces ventes, les Européens ont été intégrés dans la production de composants-clés", souligne-t-il.

Les Pays-Bas, la Belgique ou le Danemark, en proie à des tensions avec les États-Unis sur l'avenir du Groenland, sont encore plus dépendants de l'armement américain, rappelle-t-il.

L'Europe, le principal client des Etats-Unis

Pour Pieter Wezerman, "changer cela demanderait un investissement politique et financier énorme. L'acquisition d'armes prend de nombreuses années, bien souvent plus que la durée du mandat d'un président américain".

Dans ce contexte, pour la première fois en 20 ans, l'Europe est devenue le principal client des Etats-Unis, représentant 35% des exportations américaines sur 2020-2024, devant le Proche-Orient (33%). Le premier pays client reste cependant l'Arabie Saoudite.

"Avec 43% des exportations mondiales d'armes, la part (des Etats-Unis) est plus de quatre fois supérieure à celle du deuxième exportateur, la France", souligne Mathew George, directeur du programme "Transfert d'armes" du Sipri.

La Russie est troisième exportateur mondial d'armes mais la chute de ses exportations (-64%) s'est accélérée avec l'invasion de l'Ukraine en février 2022.

Outre ses besoins propres, la Russie a subi l'effet des sanctions internationales et la pression des États-Unis et de ses alliés pour ne pas acheter d'armes russes, indique Pieter Wezeman.

L'Inde (38% des exportations russes sur 2020-2024) se tourne de façon croissante vers d'autres pays et la Chine (17%) a renforcé son industrie de défense, ajoute-t-il.

Au Proche-Orient, malgré la guerre à Gaza, les importations d'armes par Israël sont restées stables entre 2015-2019 et 2020-2024, selon le Sipri.

Frédéric Bianchi avec AFP