"C'est un sujet très clivant dans l'entreprise": Renault rassure ses salariés sur ses intentions dans la défense

Expliquer et rassurer. Le constructeur automobile Renault, contacté par le ministère des Armées pour produire de l'armement, a adressé à ses salariés une note interne, consultée par l'AFP mercredi, pour répondre à leurs "questions légitimes".
L'objectif est de "donner des clés de lecture claires" aux employés, pas de faire une annonce sur l'avancée du projet, indique ce document. D'ailleurs, les discussions avec le ministère "sont toujours en cours", a précisé le groupe français à l'AFP.
"Renault Group a été invité à contribuer à la réflexion autour de différents projets pilotés par la direction générale de l'armement (DGA)", "au même titre que d'autres industriels français", rappelle le document, présenté comme "confidentiel".
Une décision "clivante"
En juin, Renault avait confirmé qu'il avait été contacté par le ministère des Armées, après une annonce du ministre des Armées d'alors, Sébastien Lecornu, désormais Premier ministre.
Le document, également consulté par BFM Business, précise que Renault a mené "une analyse approfondie" des risques et des bénéfices que pourrait représenter cette nouvelle activité dans le domaine de la défense.
Parmi les points positifs, le texte cite "un complément d'activité sur [les] sites en France" de l'entreprise et "une opportunité économique rentable".
Du côté des "points de vigilance", il évoque la sécurité de ses sites "face à d'éventuelles menaces" et la cybersécurité, "indépendamment d'éventuels projets de défense".
L'entreprise, qui "ne vise pas à devenir un acteur majeur de la défense", mais propose plutôt "d'apporter son expertise industrielle", ne s'engagerait que si le projet avait "un impact positif sur l'activité" en France et n'affectait pas sa capacité d'investissement dans son cœur de métier, l'automobile.
Le projet "fera l'objet d'une communication transparente pour vous permettre d'en comprendre les enjeux stratégiques et les précautions prises", assure la direction à ses salariés.
Pour Mounir Mestari, délégué syndical Force Ouvrière du groupe, "ce communiqué reconnaît aussi la capacité et le savoir-faire des salariés de Renault. Nous sentons bien que l'activité automobile ne va pas exploser dans les prochaines années, l'armement peut-être une réponse".
Il rappelle à BFM Business que "c'est un sujet très clivant dans l'entreprise, qui a suscité beaucoup d'émotions" et se dit "rassuré que Renault communique avec ses salariés sur la question".
Le délégué syndical FO, qui se dit "plutôt favorable" au projet, reste cependant prudent et attend "d'avoir plus de précisions".
Quant à la CFDT, elle "prend acte de cette démarche de transparence et restera vigilante".
La priorité du syndicat "sera de garantir que tout projet respecte l’emploi en France, les valeurs de l’entreprise et celles des salariés qui la font vivre au quotidien".
Du côté de la CGT, le délégué syndical Thomas Ouvrard fait part de son inquiétude et pressent que "Renault semble préparer le terrain auprès de ses salariés pour faire de l'armement".
Il ajoute :"participer à des projets défense, c'est sortir complètement de notre métier d'origine. Cela pourrait contribuer à la guerre et à enlever des vies".
Renault précise à BFM Business que si un accord devait être conclu - les négocations sont toujours en cours - il n'y aura pas de construction d'usine en Ukraine, mais que ce sont bien uniquement les sites en France qui seront mobilisés.
L'industrie civile au profit des drones
En début d'année, le ministère des Armées avait révélé qu'il voulait impliquer les chaînes industrielles civiles, notamment automobile et chimique, pour être capable de produire en masse certains équipements militaires.
L'un des projets portait sur la fabrication de drones à une échelle de "plusieurs milliers en quelques mois", avait alors précisé le directeur général pour l'armement, Emmanuel Chiva. Ces projets attendent leur mise en œuvre effective.
Dans son bilan d'activité publié en avril dernier, la DGA indiquait que l'industrie du drone était particulièrement concernée par les possibilités de rapprochement avec l'industrie civile – et l'automobile en particulier – en raison des capacités de production à grande échelle.
"Nous souhaitons avoir la capacité de mettre une charge pyrotechnique sur un drone Delair ou Novadem, sans avoir besoin de faire un nouveau système", avait expliqué Emmanuel Chiva au cours d'une conférence de presse.
La production en masse de drones low-cost, faisant appel à l'écosystème civil, sera expérimentée grandeur nature dès 2026, lors d'un exercice militaire.