Exail veut devenir "le Space X du drone marin": comment le groupe franco-belge a multiplié par 10 son carnet de commandes (et espère enfin des commandes françaises)

Sous un soleil éclatant, un drone naval rouge fend la mer au large de La Ciotat, dans le sud de la France: le groupe franco-belge Exail teste son engin de lutte anti-mines, sa vitrine technologique, qui évite de mettre en danger les humains et s'impose à l'export.
Ce drone, baptisé Drix, conçu pour détecter et cartographier les mines, évolue précédé d'un Inspector 125 gris, un navire autonome plus long et robuste, capable de mettre à l'eau une flotte de véhicules autonomes, dont des drones destructeurs de mines.
Pour la première fois, "les robots identifient et traitent la menace, tandis que l'opérateur garde la supervision depuis un poste sûr", explique à l'AFP Thomas Buret, codirecteur général d'Exail.
Exail, qui fabrique des drones marins depuis plus de vingt ans, a franchi un palier en 2019 grâce à un contrat avec la Belgique et les Pays-Bas. Depuis, son carnet de commandes a été "multiplié par dix", à plus d'un milliard d'euros.
Première mondiale
Entreprise familiale contrôlée par le Groupe Gorgé et fraîchement entrée dans le SBF 120, elle a plus de 1.000 drones marins "en cours de livraison", souligne Thomas Buret. Outre les marines belge et néerlandaise, l'entreprise livre également ses engins autonomes à Singapour, aux Emirats, à l'Indonésie et à la Lettonie.
Mi-septembre, Exail a marqué les esprits lors de l'exercice de l'Otan Repmus au Portugal: son Drix a traversé en autonomie supervisée le détroit de Gibraltar, reliant La Ciotat à Lisbonne en moins d'une semaine.
"Nous sommes les premiers à avoir démontré une telle navigation en conditions réelles, là où d'autres transportent encore leurs drones par camion", s'est félicité Thomas Buret.
Au large de la Ciotat, le drone "mère" qui accompagne Drix, un navire de 12 mètres, déploie un sonar tracté pour explorer le fond marin et envoyer au centre de contrôle des images haute résolution.
Peu coûteuses, les mines sous-marines peuvent se révéler extrêmement nuisibles, empêchant le déploiement des forces navales ou l'accès à un port. Dans un climat géopolitique tendu, le marché pour les solutions anti-mines est en plein développement.
Face à son principal concurrent, l'américain Saildrone, Exail revendique une plateforme déjà éprouvée en mer, cumulant "plus d'un million de milles nautiques" parcourus.
Boudé en France
Si les exportations génèrent 75% de ses revenus, Exail déplore un intérêt "trop timide" de l'État français qui a commandé en 2024 un Drix pour le service hydrographique et océanographique de la Marine.
Présent dans le civil et la défense, Exail est également reconnu pour ses centrales inertielles. Ces systèmes capables d'estimer la position et le cap sont essentiels dans la conception des drones et indispensables lorsque le GPS est brouillé - une situation de plus en plus fréquente sur les théâtres d'opérations.
"On a équipé le Brésil, la Corée, le Japon, l'Australie, l'Angleterre avant d'équiper la France", souligne Thomas Buret, qui a fait sa carrière dans le groupe, passé de 30 à 2.000 salariés en 25 ans.
Jérôme Bendell, directeur du pôle maritime d'Exail et ancien de Thales, géant de la défense qui produit également des systèmes anti-mines, explique la différence d'approche entre les deux sociétés.
"Nous avons fait le pari de l'intégration verticale", explique-t-il à l'AFP. "Thales développe d'excellents capteurs, mais s'appuie sur des sous-systèmes extérieurs, alors que chez Exail, toutes les briques sont conçues en interne".
"Le SpaceX du drone marin"
Dans les ateliers, installés dans les anciens chantiers navals de La Ciotat, "on a intégré tous les savoir-faire clés, de la forme du carénage jusqu'aux fibres composites, pour garantir une performance en mer exceptionnelle", souligne Sébastien Grall, directeur des solutions pour l'autonomie maritime.
Cette "autonomie industrielle, du design à la production," garantit "un niveau de fiabilité rare dans le domaine des drones", affirme-t-il.
Un savoir-faire recherché par la Direction générale de l'armement, qui a récemment fait appel à des industriels civils pour rattraper son retard sur les drones, le temps de développement des filières de défense traditionnelles étant trop lent.
"On vise à être le SpaceX du drone marin", conclut Thomas Buret en référence au modèle d'Elon Musk qui a secoué le spatial en rendant les lancements plus abordables grâce à un contrôle total, de la conception jusqu'à la commercialisation.