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Défense

ÉDITO. Réarmement de l'Europe: qui va payer?

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Ursula von der Leyen a annoncé hier un plan de 800 milliards d’euros pour réarmer l’Europe et fournir une aide immédiate à l’Ukraine. Mais que se cache-t-il vraiment derrière ce montant vertigineux? Et surtout, qui va payer?

800 milliards d'euros, le chiffre est impressionnant. C’est l’ordre de grandeur du plan de relance européen post-Covid qui était, lui, de 750 milliards d’euros.

Si l'on ajoute cette somme aux 350 milliards de dépenses cumulées des Européens en matière de défense en 2023, on arrive tout de même à 1.150 milliards d’euros de dépenses militaires pour le Vieux continent. Davantage que les 877 milliards de dollars investis par les Américains en 2023, et bien davantage que les maigres 86 milliards de dollars des Russes.

Mais comme toujours quand on agite ces grandes sommes, il faut prendre garde aux effets de manche et faire le tri entre les choux et les carottes.

Alors comment tout cela se finance?

Le seul argent frais, c’est une enveloppe de 150 milliards d'euros de prêts levés par la Commission, qui emprunte à des taux plus bas que 20 des 27 pays européens (dont la France). Ces emprunts seront proposés pour le financement d'achats militaires communs entre deux ou trois pays (France et Ukraine par exemple).

Les reliquats des fonds de cohésion du budget 2021-2027 de l'UE seront aussi mobilisés, ainsi que la Banque européenne d’investissement qui va pouvoir financer des investissements purement militaires, ce qu’elle ne pouvait faire jusqu’à présent.

Mais le gros de la somme, les 650 milliards restant, viennent de la hausse des budgets d'armement des États, qui vont devoir passer de 2% à 3-3,5% du PIB. Pour faciliter cet effort, Bruxelles va sortir les dépenses de défense du calcul du déficit. Mais attention, uniquement les nouveaux investissements, à hauteur de 1,5 point de PIB seulement. Pas question de repartir dans le "quoi qu'il en coûte" de la pandémie.

Les Allemands ont la plus grande marge budgétaire

Et ça bouge en Allemagne. Le futur chancelier, Friedrich Merz, vient d’effectuer un virage à 180 degrés sur l’endettement. Lui qui plaidait pour la rigueur durant la campagne, est en train de négocier avec les sociaux-démocrates le déblocage de deux enveloppes colossales. L'une de 400 milliards d’euros pour la défense et l’autre de 400 à 500 milliards pour les infrastructures.

La banque centrale allemande a par ailleurs proposé une réforme du "frein à l'endettement" inscrit dans la Constitution du pays. De quoi fournir au gouvernement allemand jusqu'à 220 milliards d'euros de liquidités pour la défense et l'investissement au cours de la prochaine décennie.

C’est peut-être LE "game changer" de la prochaine décennie. Un sacré coup de fouet pour l’Europe, dont profitera la France à n’en pas douter.

L’Edito de Raphaël Legendre : Ukraine, qui va payer la facture ? - 05/03
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Donc pour revenir à la question du début: qui va payer? L’Allemagne certainement, mais probablement aussi le contribuable français. Eric Lombard a indiqué mardi sur Franceinfo "réfléchir à la manière dont l'effort peut être partagé entre la population française", ouvrant la porte à des hausses d'impôt sur "ceux qui disposent d'une épargne substantielle".

Il a aussi évoqué la création de fonds d'investissement axés sur la défense pour les acteurs privés. Pour cela, il recevra le 20 mars à Bercy, en compagnie du ministre des Armées Sébastien Lecornu, compagnies d'assurance, fonds et banques pour les pousser à investir davantage dans les fabricants d'armes.

Raphaël Legendre