ÉDITO. Les trois vrais défis de la base industrielle et technologique de défense

Selon Bercy, il manque trois à cinq milliards d’euros de capitaux pour assurer la montée en puissance de la production tricolore d'armement. C'est pour combler ce déficit que le ministère de l'Économie organise ce jeudi en collaboration avec le ministère des Armées, un grand événement autour du financement de la base industrielle et technologique et de défense (BITD).
La BITD, c'est 4.500 entreprises qui font du civil et du militaire, dont 800 identifiées comme stratégiques ou critiques. Tout en haut se trouvent les grands donneurs d'ordres (Dassault, Thales, Safran, etc.). Pour eux, pas de problèmes de financement.
Mais en-dessous s'est développé un vaste réseau de milliers de sous-traitants, d'ETI, des PME et beaucoup de start-up. Le portrait-robot d’une entreprise de la BITD, c'est une PME d’environ 50 employés, réalisant 6 à 8 millions de chiffre d’affaires dont moins de 20% pour le secteur de la défense.
Ces entreprises sont souvent assez endettées et ont besoin de fonds propres. Tout l'objet de l'événement de jeudi est de mobiliser les banques, les assureurs et les fonds de gestion pour qu’ils couvrent ces besoins en fonds propres.
Des besoins qui restent relativement modestes et qui seront couverts sans difficultés par la mobilisation d'une partie des 2.000 milliards d'euros d'encours de l'assurance-vie.
Réorganisation européenne
Ce qui va être plus difficile en revanche, c’est de renforcer notre BITD en Européens. La Commission publie aujourd’hui son livre blanc sur la Défense. Trois grands défis nous font face.
Le premier est de flêcher les centaines de milliards d’euros d’argent public qui vont être investis dans la défense dans les cinq à dix prochaines années vers les groupes européens et pas dans les poches de l’Oncle Sam.
Depuis le début de l’invasion russe en Ukraine, 78% des acquisitions réalisées par les Européens proviennent de l’extérieur de l’UE, dont les 2/3 des États-Unis. La commission propose d'acheter 50% de matériel européen à horizon 2030. Mais tous les pays ne sont pas encore alignés sur cette position.
Il va ensuite falloir renforcer les investissements coopératifs au sein de l’UE. Aujourd'hui, ils ne sont pas assez importants pour permettre à la BITDE de peser de tout son poids. L’objectif d’ici 2030 c’est d’acquérir 40% des équipements de manière commune, au travers notamment de la Commission. Ce serait un saut fédéral majeur pour l’Europe.
Enfin le troisième défi est de rationaliser nos investissements et notre production qui doit être plus homogène. Aujourd’hui, tout est dispersé, sans organisation. Il va falloir orienter les investissements vers les domaines les plus importants, éviter les doublons et accroître l’efficacité. Est-ce bénéfque que les 46 articles les plus nécessaires soient dispersés dans 23 États membres?
Pour ce faire, il convient de renforcer la coordination des plans et des efforts d’investissement des États membres. En clair: mieux investir, ensemble, en Européens. Cela prendra du temps.