"6 mois à un an pour apprendre à faire la guerre": comment le gouvernement se prépare à avoir plus de Français prêts pour le combat

Malgré des finances publiques au plus mal, le président français Emmanuel Macron s'exprimera ce dimanche 13 juillet à 19 heures sur les "efforts de défense" à consentir face à l'aggravation des menaces et à de fortes tensions sur le plan international.
Lors de sa traditionnelle allocution aux armées à la veille de la fête nationale dans les jardins du ministère des Armées, à l'Hôtel de Brienne, le chef de l'État fera des "annonces majeures", selon l'Élysée.
"Très clairement, nous devons réviser notre programmation et notre stratégie à la lumière du changement de la nature du risque", avait indiqué Emmanuel Macron le 10 juillet.
Il avait alors annoncé une évolution importante de la doctrine nucléaire française et une coopération approfondie avec le Royaume-Uni.
Le président devrait notamment esquisser des pistes pour faire grossir les effectifs des armées alors que le risque d'un conflit de haute intensité s'est renforcé. "Il faut donner le choix de servir, non pas rétablir le service national obligatoire, mais permettre à une jeunesse volontaire d'apprendre avec les armées et d'en renforcer les rangs", avait estimé le président en janvier dernier.
SMV et renforcement de la réserve
Plusieurs options sont sur la table. Depuis plusieurs mois, Emmanuel Macron plaide pour renforcer le service militaire volontaire (SMV), un dispositif créé en 2015 et destiné aux jeunes de 18 à 25 ans éloignés de l'emploi. Depuis 10 ans, 10.000 volontaires y ont été formés. Le chef de l'État pourrait annoncer son développement.
Autre piste: augmenter le nombre de réservistes. Ils sont aujourd'hui 45.000 et le gouvernement espère atteindre le nombre de 52.000 d'ici décembre 2026.
"L'armée de 2030 sera hybride: une armée d'active et de réserve aux compétences durcies. La réserve ne doit pas être un supplétif. Elle doit être pleinement intégrée sur tout le spectre des missions et pas seulement servir à remplacer les soldats de l'armée d'active dans certaines circonstances", a déclaré Sébastien Lecornu ce dimanche à la Tribune Dimanche.
La formation de ces volontaires nécessite une "durée minimale de six mois à un an, pour apprendre à crapahuter sur le terrain, à utiliser une arme, à éventuellement tuer quelqu'un à la guerre sans être tué", explique à BFMTV le lieutenant-colonel Vincent Arbarétier, historien militaire et docteur en sciences politiques.
Menace "durable" de la Russie
Pour préparer les esprits à ces annonces, le chef d'état-major des armées, le général Thierry Burkhard, a brossé vendredi un sombre tableau des menaces dans une rare conférence de presse, quelques jours après une autre intervention inédite à la télévision du patron de la DGSE, le service de renseignement extérieur, Nicolas Lerner.
Sur la base des conclusions de la Revue nationale stratégique qui doit être publiée ce dimanche, le plus haut gradé français a évoqué la menace "durable" de la Russie contre les pays européens, le désengagement américain, l'Ukraine où "se joue (...) aussi la place des pays européens dans le monde de demain", la désinformation et les attaques hybrides ou encore la lutte contre le terrorisme.
Face à cela, "faire le dos rond" ne résoudra rien, selon lui, "il faut qu'on intègre qu'on est bien face à un changement de référentiel stratégique".
"Nous ne sommes pas là pour agiter les peurs ou les inquiétudes, nous sommes là pour les documenter et y apporter des réponses", a défendu le ministre des Armées Sébastien Lecornu auprès de La Tribune dimanche.
Avec un modèle de défense autonome: "si on ne veut dépendre de personne, cela passe forcément par un effort nouveau, pas seulement budgétaire, mais aussi intellectuel, moral et industriel", selon lui.
Budget en nette augmentation
Ces "bascules" posent la question de l'adéquation des ressources militaires françaises, selon l'Élysée, qui rappelle que le budget défense est passé entre 2017 et 2025 de 32,2 à 50,5 milliards d'euros.
En l'état, la Loi de programmation militaire française (LPM) prévoit 413 milliards d'euros pour les armées entre 2024 et 2030, avec des augmentations budgétaires annuelles d'un peu plus de 3 milliards d'euros pour atteindre 67,4 milliards en 2030.
La France peut-elle se contenter de revoir ses priorités à l'intérieur de l'enveloppe prévue ou ira-t-elle plus loin, alors même que le gouvernement fait la chasse aux économies budgétaires ?
La seule charge de la dette atteint cette année 62 milliards d'euros et menace de s'envoler, selon le Premier ministre François Bayrou, qui doit dévoiler mardi ses orientations pour le budget 2026. Le chef du gouvernement a déjà sanctuarisé le budget de la défense, disant qu'il était "sacré".
"100 milliards d'euros"
Certains pays européens n'ont pas attendu l'objectif fixé par les pays membres de l'Otan en juin de consacrer 5% de leur PIB à leur sécurité (3,5% pour les seules dépenses militaires) d'ici 2035 pour rehausser leurs ambitions.
Londres veut porter son budget de défense à 2,5% d'ici 2027, puis à 3% après 2029. L'Allemagne compte atteindre un budget de défense de 162 milliards d'euros en 2029, soit 3,5% de son PIB, et la Pologne y consacre déjà 4,7% de sa richesse nationale.
"Très clairement, nous devons aujourd'hui réviser notre programmation et notre stratégie, la réviser à la lumière de changement de la nature du risque", a admis jeudi Emmanuel Macron.
Sébastien Lecornu avait estimé l'hiver dernier "le poids de forme de l'armée française à un peu moins de 100 milliards d'euros". Début juillet devant les sénateurs, il a esquissé des pistes d'efforts: défense sol-air, munitions, moyens de guerre électronique ou encore le spatial, où l'Europe est en risque de "décrocher".
"Ce qui nous préoccupe le plus et crée un besoin budgétaire nouveau, ce sont les ruptures technologiques" (IA, quantique, furtivité des avions...), a-t-il affirmé à La Tribune dimanche.
Alors que la "cohésion nationale" constitue un "élément-clé de la résilience" du pays face aux crises, selon le général Burkhard, le président abordera également la question de la mobilisation de la jeunesse, à qui il faut donner "l'occasion de servir", selon l'Élysée.