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Défense

"Un degré de coordination inédit au niveau militaire": Paris et Londres annoncent une coopération historique sur la dissuasion nucléaire

Le président de la République française Emmanuel Macron et le Premier ministre britannique Keir Starmer lors du dernier sommet de l'Otan.

Le président de la République française Emmanuel Macron et le Premier ministre britannique Keir Starmer lors du dernier sommet de l'Otan. - Photo par SUZANNE PLUNKETT / POOL / AFP

Emmanuel Macron et Keir Starmer ont annoncé qu'un groupe de supervision nucléaire allait être créé pour améliorer la coopération de "la politique, des capacités et des opérations" entre la France et le Royaume-Uni.

C'est une évolution majeure de la doctrine nucléaire. La France va approfondir sa coopération en matière de dissuasion nucléaire avec le Royaume-Uni, a annoncé Emmanuel Macron, ce jeudi 10 juillet, lors d'une conférence de presse à Londres aux côtés du Premier ministre Keir Starmer.

"Nous allons approfondir notre coopération dans le domaine de la dissuasion", a indiqué le président de la République, en rappelant que Paris et Londres sont "les deux seuls États dotés" de la bombe atomique en Europe.

"Nous n'excluons pas la coordination de nos dissuasions respectives" a ajouté Emmanuel Macron, tout en précisant que les deux pays restaient indépendants et souverains.

Un groupe de supervision nucléaire sera chargé d'animer cette coopération renforcée. Ce dernier devrait être mené par l'Elysée et le Cabinet Office britannique pour améliorer la coopération de "la politique, des capacités et des opérations".

"C'est un approfondissement du mécanisme de consultation qui existe déjà" mais à un niveau inférieur, explique Héloïse Fayet à l'AFP. Aujourd'hui "c'est vraiment une étape supplémentaire avec un degré de coordination inédit au niveau militaire et politique".

Cela ouvre la porte à des traductions concrètes comme des patrouilles sous-marines conjointes, avec par exemple un sous-marin d'attaque de l'un escortant un sous-marin lanceur d'engins de l'autre, ou encore la participation d'aéronefs britanniques aux exercices français, selon Héloïse Fayet.

Lors des questions-réponses, Macron précise que la possible coordination des forces de dissuasion nucléaire française et britannique est "totalement distincte de ce que nous faisons sur l'Ukraine".

Dimension européenne

Emmanuel Macron a annoncé un changement de doctrine. Depuis la déclaration conjointe de "Chequers" en 1995, Paris et Londres ont acté qu'il n'y "pas de situation dans laquelle les intérêts vitaux de l'un (...) pourraient être menacés sans que les intérêts vitaux de l'autre le soient aussi".

Cette déclaration de Chequers était strictement limitée à la définition des intérêts vitaux des deux pays. La portée de la nouvelle coopération est beaucoup plus étendue.

"Chequers était une déclaration uniquement franco-britannique et d'un niveau très politique", résume Héloïse Fayet, chercheuse sur les questions nucléaires à l'Institut français des relations internationales.

Emmanuel Macron a indiqué ce mercredi que "nous n'imaginons pas de menace extrême à l'Europe qui ne susciterait pas une réponse rapide de notre part".

Il y a deux avancées: sur le plan opérationnel avec cette coordination des deux dissuasions", analyse la chercheuse Héloïse Fayet pour l'AFP. "Et la deuxième, c'est évidemment l'élargissement sur la dimension européenne conjointe".

Message à la Russie

Cette évolution doctrinale pourrait "compliquer les calculs stratégiques russes" selon Artur Kacprzyk, du centre de recherche polonais PISM.

Depuis son origine, la dissuasion nucléaire française se veut complètement indépendante et repose sur l'appréciation par un seul homme, le président de la République, d'une menace contre les intérêts vitaux du pays.

Selon l'institut Sipri, la France dispose de 290 têtes nucléaires, réparties entre les missiles embarqués à bord de quatre sous-marins et ceux emportés par les avions de combat Rafale.

Le Royaume-Uni dispose de son côté de 225 têtes nucléaires. La dissuasion nucléaire britannique n'a qu'une composante océanique avec quatre sous-marins lanceurs d'engins, mais le gouvernement a annoncé en juin le rétablissement d'une composante aéroportée avec l'achat de 12 avions de combat américains F-35.

P.L avec AFP