Défense: les Européens peuvent-ils réduire leur dépendance aux États-Unis?

Le "made in Europe" vaut aussi dans le secteur de la défense. Emmanuel Macron a plaidé ce week-end pour une "préférence européenne" en matière d'achat de matériels militaires lors d'un sommet européen.
Dans un contexte de désengagement des États-Unis, l'Europe veut développer son industrie de la défense et son indépendance vis-à-vis de Washington.
"Nous devons de toute urgence réarmer l'Europe", a déclaré la présidente de la Commission européenne Ursula Von der Leyen.
Mais la question est de savoir qui fournira les armes et l'équipement militaire. Selon différentes estimations, les États européens achètent entre 60 et 80% de leur matériel militaire hors UE, et notamment aux États-Unis. Ces chiffres restent approximatifs car les États ne publient pas ces informations confidentielles.
Des F35 plutôt que des Rafale
Entre 2019 à 2023, 55% des importations d’armes des États européens provenaient des États-Unis, selon les estimations de l’Institut international de recherche sur la paix de Stockholm (Sipri). Contre 35 % sur la période 2014-2018.
En effet, les États membres se fournissent beaucoup outre-atlantique, 13 d'entre eux ont acheté ou commandé des avions de combat américains F35. L'Allemagne a notamment fait ce choix il y a deux ans, au détriment des Rafale français, afin de pouvoir embarquer la dissuasion nucléaire américaine.
L'an dernier, c'est la Pologne qui a acheté des missiles de longue portée aux États-Unis, pour une valeur de 677 millions d'euros. Les États se fournissent aussi en outils de surveillance et de reconnaissance notamment en drones aux États-Unis.
Une industrie européenne tournée vers l'export?
Pour réduire cette dépendance au matériel américain, la Commission européenne a fixé l’objectif d’acheter 50% des équipements au sein de l’UE d’ici 2030. Et selon Claude-France Arnould, ancien ambassadeur et ancien directeur exécutif de l'Agence européenne de défense, l'Europe a les moyens d'y arriver.
"On minore beaucoup la capacité industrielle européenne d'armement", estime-t-elle.
"L'industrie européenne est un des plus gros exportateurs mondiaux, il faut réorienter cette capacité industrielle européenne du grand export vers les besoins européens", explique Claude-France Arnould sur BFM Business.
Mais pour cela, les industriels doivent être sûrs d'avoir un marché interne sur le long terme. Les États membres doivent donc se mettre d'accord sur une volonté commune d'acheter européen.
Montée en puissance
Depuis le début de la guerre en Ukraine, les États poussent également les industriels de la défense à augmenter leurs cadences de production. En Allemagne, deux usines de Rheinmetall (à Berlin et à Neuss), jusqu’ici spécialisées dans la production de pièces automobiles vont être réaffectées vers les divisions armes et munitions du groupe.
En Belgique, l’usine bruxelloise d’Audi pourrait aussi être reconvertie vers la fabrique de véhicules militaires. Une montée en puissance qui s'observe aussi en France. Notamment à l'usine KNDS de Bourges qui produit les canons Caesar et qui a déjà doublé les délais de production passant de 30 à 15 mois.