Les banques françaises en panne d’idées pour innover?

Les banques sont-elles en panne d'innovation? - Unsplash
Ces quinze dernières années, les banques, comme les autres secteurs économiques, n’ont eu que ce mot à la bouche: l’innovation ; avec sa cohorte de mots-valises associés, comme "l’agilité". Cependant, aujourd’hui, où en sommes-nous ? Un exemple très récent oblige à poser cette question.
En matière d’innovations, les banques ont privilégié les solutions technologiques. Le "digital" en l’occurrence, qui a permis d’automatiser et de rendre accessible en ligne des offres et des services qui étaient déjà automatisés mais auxquels les clients n’avaient accès qu’à travers un intermédiaire humain. Il s’est donc surtout agi de développer des interfaces car, dans bien des cas, les (vétustes) systèmes de traitement ont été peu modifiés. Quoi qu’il en soit, la "banque digitale" s’est bien développée et si les applis bancaires réclament encore des améliorations, cela est plutôt normal, tandis que le plus gros a été fait.
A partir de là, les banques s’efforcent à présent d’automatiser au moins en partie leur service clients, en recourant à l’IA générative. Les résultats ne sont pas encore très probants – en fait, les études montrent que, de plus en plus, les clients ont du mal à simplement contacter leur conseiller – mais le développement de ces nouveaux services n’en est qu’à ses débuts.
"Bien-être financier"
Mais encore? Une autre perspective qui a été beaucoup explorée ces dernières années concerne la personnalisation des relations clients. Une perspective qui, dans l’univers bancaire où les offres et leurs conditions tarifaires sont complètement standardisées, risque néanmoins d’être rapidement épuisée.
Mais il y a le "bien-être". Pour le dire rapidement, cela recouvre l’assistance personnalisée apportée aux clients pour qu’ils gèrent mieux leurs dépenses et leurs finances, en les soulageant du stress que cela peut leur créer, lui-même générateur de mauvaises décisions. Bien entendu, le contexte actuel s’y prête particulièrement et de plus en plus de banques mettent en avant des promesses de "bien-être financier".
Seulement, un tel objectif ne peut être rempli par le recours à des solutions techniques uniquement. Il suppose avant tout de se mettre à la place des clients, de comprendre leurs attentes et d’être prêt à remanier profondément certaines offres au besoin (les découverts par exemple). Est-ce pour cela que les innovations des banques françaises en la matière demeurent plutôt timides?
Prenons le cas de BforBank, la banque en ligne du Crédit Agricole, qui vient de complètement se relancer. Positionnée sur le segment "haut de gamme accessible", BforBank comptait apparemment un peu plus de 200 000 clients fin 2022. Pas exactement un succès pour une banque lancée en 2009. Alors, BforBank vient de complètement remanier ses offres et promet, elle-aussi, le bien-être financier.
Une promesse car, pour le moment, ne sont pratiquement proposées que des offres de comptes BforBasic et BforZen, ainsi qu’un livret d’épargne Bfor+, peu distinctives et donc peu décisives – sinon pour des clients experts, capables d’arbitrer en matière de plafonds de virement et autres entre les banques.
Les autres offres (dont la Visa Premier gratuite, qui semblait être le produit d’appel) ont quasiment disparu et seront réintroduites plus tard, sans qu’on comprenne bien pourquoi.
Le phénomène des enveloppes budgétaires
Et le bien-être financier? Il faudra également attendre, quoique, en bas de la page d’accueil du site de BforBank apparaissent des "conseils pour mieux gérer votre argent". Et l’un d’eux se penche sur le phénomène des enveloppes budgétaires.
Elles ont désormais un nom en bon français: le "cash stuffing", ce qui fait nettement plus sérieux car il ne s’agit-là en fait que d’un retour à la façon dont nos grands ou arrière-grands-parents géraient leur budget. On retire tout son argent en billets et on répartit ceux-ci dans des enveloppes correspondant chacune à un poste de dépenses (alimentation, voiture, etc.). Cela passe pour permettre de mieux maîtriser son budget.
Partie de TikTok, la mode s’est rapidement répandue depuis deux ans et pas uniquement en France. Une mode que la plupart des banques ont d’abord complètement ignorée malgré sa rapide ampleur mais que certaines ont voulu accompagner avec des sous-comptes dans leurs applis, une assistance à prévoir les effets inflationnistes sur certaines dépenses et d’autres commodités. Les exemples, toutefois, sont plutôt étrangers et dans le cas qui nous occupe, BforBank se contente de trouver la méthode des enveloppes simple et assez efficace, indiquant que, pour s’y consacrer, des distributeurs de billets sont à la disposition de ses clients.
Même si ce n’est pas aussi crûment dit, une banque invite ainsi ses clients à retirer l’argent qu’ils ont en compte chez elle et à le conserver chez eux. On n’avait encore jamais vu ça et cela parait presque comique. Si l’innovation consiste à faire évoluer ses offres pour susciter de nouveaux usages associés, il reste encore beaucoup à faire.