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Face au manque d'éducation financière, les banques doivent revoir leurs offres

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[AVIS D'EXPERT] De nombreuses personnes ont une culture financière inexistante ou extrêmement fragile. Un sujet qui doit amener les banques à repenser leurs offres. Décryptage avec notre expert Guillaume Almeras, fondateur du site de veille et de conseils Score Advisor.

Une étude de la banque néerlandaise ABN Amro, publiée cet été, montre que les plus jeunes hollandais – les "digital natives" – n’ont pratiquement pas recours à l’argent liquide. Ils ignorent presque l’usage des distributeurs de billets. En revanche, les applications bancaires sont familières à 40% des 8-12 ans et à 80% des 13-17 ans, qui les consultent cinq fois par semaine en moyenne. Les deux tiers des moins de treize ans disposent d’un compte courant, ouvert à l’initiative de leurs parents et sur lequel ils perçoivent, pour la moitié d’entre eux, la totalité de leur argent de poche.

Ces chiffres valent pour les Pays-Bas, un pays particulièrement avancé en matière de banque numérique mais on peut sans grand risque estimer que ces constats vaudront pour la plupart des pays dans un avenir très proche. Qu’en tirer cependant?

On pourrait croire que ces chiffres indiquent une plus grande aisance et indépendance financière chez les plus jeunes mais ABN Amro en tire au contraire une alerte: chez les jeunes, l’éducation financière est en chute libre! Cessant d’être matérialisé par pièces et billets, l’argent devient quelque chose d’impalpable, de presque irréel et, moins intuitives, les règles de base qui s’appliquent à sa gestion sont de moins en moins bien comprises.

10% des Français ont des connaissances "solides"

Or, si l’on se fie aux résultats d’un récente enquête menée par Allianz dans sept pays, les jeunes, s’ils sont les premiers, ne sont pas les seuls concernés. A neuf questions (arithmétiquement simples) posées sur les taux d’intérêts, l’inflation, le risque financier, l’investissement ou la gestion d’un patrimoine, les réponses indiquent qu’en moyenne seulement 15% des populations (10% en France) semblent disposer de connaissances "solides", quand plus d’un quart semble à peine comprendre les questions. Et, partout, le niveau est d’autant plus faible que les répondants sont plus jeunes.

Cette étude d’Allianz est particulièrement intéressante en ce qu’elle essaye d’évaluer le manque à gagner – important - qui peut être lié au manque de compréhension financière, qu’il s’agisse de placer son argent, de préparer sa retraite ou de faire face à l’inflation. Et l’étude souligne qu’une faible éducation financière génère un manque général de confiance en soi qui représente le principal obstacle à la volonté de mieux gérer son argent.

Ces constats sont assez consternants et, dans le contexte actuel d’un pouvoir d’achat rogné, force est de considérer que l’éducation financière parait de plus en plus un impératif citoyen. Toutefois, l’étude d’Allianz n’est pas la première à dresser de tels constats, de sorte que l’on peut également se demander si le moment ne serait pas propice à ce que les banques en prennent effectivement acte. Car ces constats indiquent aussi bien qu’une large partie de leurs clients comprennent mal ou ne comprennent pas leurs offres et leurs conditions.

Cet été, Klarna, le leader du paiement fractionné, s’est également livré à une enquête pour savoir ce que les consommateurs britanniques comprennent réellement lorsqu’ils s’équipent d’une carte de crédit. Sans vraie surprise, malheureusement, car d’autres études l’avaient déjà montré, l’enquête indique qu’un tiers ne sait même pas quels frais leur seront facturés.

Repenser les offres et les frais

Il serait bien trop simple cependant et fallacieux de dire que cela s’explique par une sorte de duplicité des banques, faisant tout pour que leurs offres ne soient pas trop lisibles afin de mieux piéger leurs clients. Il suffit de rappeler que la communication des banques sur leurs produits est très étroitement encadrée.

Il est permis de considérer, en revanche, que les établissements financiers ne tiennent sans doute pas assez compte de la perception que leurs clients peuvent avoir de leurs offres et qu’ils n’adaptent pas assez leur communication et même tout simplement leur langage en conséquence, alors même qu’il est rarement très facile d’expliquer comment fonctionnent les produits financiers.

En ce sens, il est intéressant de noter que la grande banque américaine Citi – sans doute en partie poussée par de mauvais résultats récents – est en train de revoir, pour les simplifier et les clarifier, ses offres et ses tarifs en fonction de deux critères: le niveau de dépôts et la fidélité de ses clients.

Plutôt que des offres liées et à options, ou packages, dont la lisibilité devient vite problématique, différents niveaux de services sont proposés, de basique à Premium, incluant des avantages divers et des modes de conseil différenciés, extensibles à l’ensemble des membres d’une même famille.

Certes, se fonder sur les critères de dépôts, de patrimoine géré et de fidélité pour fixer le niveau de service délivré aux clients a quelque chose d’assez brutal. Toutefois, ces critères ont pour mérite d’installer les relations bancaires sur un principe donnant-donnant assez simple et qui n’est sans doute pas une mauvaise base pour faire comprendre clairement les choses.

Par Guillaume Almeras, fondateur du site de veille et de conseils Score Advisor