Alors que la récolte de blé se redresse après les moissons catastrophiques de 2024, les céréaliers français restent "dans le rouge" en 2025

La France tourne la page des catastrophiques moissons de l'année 2024, mais les céréaliers français ne semblent pas rassurés pour autant. Principale production céréalière française, la récolte de blé tendre devrait atteindre 33,294 millions de tonnes en 2025, en hausse de 29,8% par rapport à l'année précédente, selon les dernières estimations du ministère de l'Agriculture, en légère amélioration par rapport aux premières prévisions publiées au début du mois d'août.
Du côté du blé dur, la récolte devrait aussi atteindre 1,255 million de tonnes en 2025, en hausse de 2,6% par rapport à l'année précédente, selon les mêmes estimations du ministère de l'Agriculture. L'orge, de même, devrait se relever à 11,989 millions de tonnes en 2025, en hausse de 22,4% par rapport à l'année précédente.
Des charges alourdies
Ces moissons redressent ainsi la barre après une saison calamiteuse en 2024, plombée par les pluies excessives et le manque d'ensoleillement qui avaient perturbé les semis et attaqué les rendements. Mais il s'agit davantage d'un timide retour à la normale que d'un sursaut de production: la récolte de blé tendre, principale production céréalière française, n'affiche qu'une hausse de 4,7% par rapport à la moyenne quinquennale 2020-2024, qui contient 2 années faibles, à savoir 2020 et 2024.
"C'est la troisième année que nous sommes dans le rouge, ce n'est pas vraiment un rebond des revenus" des céréaliers français, a averti ce mardi matin Éric Thirouin, président de l'Association générale des producteurs de blé (AGPB), à l'occasion d'une conférence de presse à Paris qui s'est tenue en amont des prévisions ministérielles. L'AGPB déplore effectivement "trois années consécutives de revenus négatifs" pour les agriculteurs céréaliers de l'Hexagone.
Selon des données de l'institut Arvalis présentées par l'AGPB, le résultat courant avant impôts par actif non salarié (RCAI/UTANS) – un indicateur utilisé pour évaluer les revenus d'un exploitant agricole – s'établit à -18.100 euros en 2025 pour les exploitations spécialisées en céréales et oléo-protéagineux, faisant suite à deux autres montants négatifs en 2024 (-31.500 euros) et 2023 (-600 euros). D'autant plus qu'une telle situation s'inscrit dans une décennie déjà difficile: le RCAI/UTANS se limite à 12.500 euros en moyenne sur les années 2015-2025.
"Dans la rue certains veulent tout bloquer, nous dans les champs on est déjà bloqué", a regretté le président de l'AGPB, évoquant une filière aujourd'hui "au fond du trou".
Selon l'AGPB, la filière céréalière française souffre d'un "effet ciseaux", alimenté par la hausse du coût de production et la baisse parallèle du prix du blé, "qui perdure et tend à s'amplifier" d'année en année. Le coût de production du blé tendre (soustrait des aides européennes) s'élève à environ 230 euros la tonne en 2025, le prix payé au producteur stagne à 160 euros la tonne au même moment, soit 70 euros d'écart, précisent les données compilées par l'AGPB (Insee, Arvalis, FranceAgriMer, Agreste).
"Marasme politique"
Alors que les charges se sont alourdies pour les exploitations céréalières, notamment les engrais qui ont flambé en raison de l'assèchement des exportations russes, le prix du blé affiche une baisse tendancielle depuis trois ans – le blé tendre à échéance décembre 2025 s'échange actuellement autour de 191 euros la tonne sur le marché européen. La pression concurrentielle accrue sur le marché mondial, où l'offre est aussi abondante, tire les prix vers le bas, au détriment des agriculteurs français.
"Nous avons du mal à croire qu'il s'agit d'une situation passagère", a déclaré craindre Éric Thirouin.
À court terme, l'AGPB réclame l'activation de la réserve de crise agricole de l'Union européenne pour tenir les céréaliers à flot. Ce mécanisme prévu par la politique agricole commune (PAC) est doté de 450 millions d'euros par an, dans lesquels Bruxelles peut puiser pour soutenir les agriculteurs en cas de perturbations du marché, de phénomènes météorologiques extrêmes ou de maladies animales. "Nous l'avions demandé l'année dernière, mais on nous l'avait refusé. Nous espérons que la France la demandera avec insistance" cette année, a insisté Éric Thirouin.
Mais la situation politique à la tête de l'État, où le nouveau-venu Sébastien Lecornu ne dispose pas encore d'un gouvernement en marche, limite les marges de manœuvre. "Le marasme politique et l'instabilité nous inquiètent aussi", a souligné le président de l'AGPB. Or, "pour rebondir, il est difficile de s'appuyer sur des sables mouvants", a-t-il poursuivi. L'AGPB, composante de la FNSEA, appelle les agriculteurs céréaliers à se mobiliser le vendredi 26 septembre prochain.