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En démissionnant, Jeff Bezos veut redorer l'image d'Amazon

Le fondateur et patron d'Amazon, Jeff Bezos.

Le fondateur et patron d'Amazon, Jeff Bezos. - JASON REDMOND / AFP

En démissionnant de son poste de Pdg, Jeff Bezos sera moins dans la gestion quotidienne et aura plus de temps à consacrer à des activités plus consensuelles, comme la conquête spatiale et la philanthropie.

Une décision surprise. Après bientôt 27 ans à la tête d'Amazon, Jeff Bezos a décidé de prendre (un peu) de recul. A partir de l'été, il ne sera plus le Pdg du géant du e-commerce mais seulement le président exécutif du conseil d'administration. C'est Andy Jassy, l'actuel patron de la très rentable entité AWS (le service de cloud d'Amazon) qui remplacera le fondateur d'Amazon au poste de Pdg.

A 57 ans, Jeff Bezos va donc se délester du quotidien pour se consacrer aux grandes orientations du groupe. A l'image de Bill Gates qui au début des années 2000 avait confié la gestion quotidienne de Microsoft à Steve Ballmer, avant de quitter définitivement la direction du groupe en 2008 pour se consacrer à ses activités caritatives.

Jeff Bezos n'en est pas encore là, mais il semble vouloir prendre le même chemin. Le deuxième homme le plus riche du monde avec un patrimoine de 197 milliards de dollars considère qu'Amazon peut tourner sans lui. L'entreprise a une valorisation de 1700 milliards dollars et vient de battre un record de 100 milliards de dollars de chiffre d'affaires au dernier trimestre 2020. Son empire est solide et ses activités nombreuses.

"En tant que président exécutif, je resterai engagé dans d'importantes initiatives concernant Amazon, écrit-il dans un mail envoyé aux employés de la société, mais je disposerai également du temps et de l'énergie dont j'ai besoin pour me concentrer sur le Day 1 Fund, le Bezos Earth Fund, Blue Origin, le Washington Post et mes autres passions."

Des activités qui lui ont d'ailleurs passablement nui durant la présidence de Donald Trump. L'ancien locataire de la Maison Blanche reprochait à Jeff Bezos la ligne éditoriale du journal Washington Post très critique à son égard ce qui a sans doute coûté à Amazon le méga-contrat JEDI de 10 milliards de dollars d'équipement du Pentagone.

La tête dans les étoiles

La nouvelle administration lui étant bien plus favorable, Jeff Bezos va pouvoir se consacrer à ses autres activités. A commencer par la conquête spatiale. Blue Origin, sa société qui développe des fusées est pour l'heure une coûteuse danseuse qui semble avoir pris du retard sur sa rivale SpaceX d'Elon Musk. Le fondateur d'Amazon cède chaque année pour 1 milliard de dollars d'actions Amazon pour la financer. Et bien que deux ans plus ancienne que SpaceX, la société reste dans l'ombre de celle d'Elon Musk qui multiplie les vols orbitaux. Jeff Bezos qui passait quelques mercredis par mois et ses week-ends dans les locaux de Blue Origin près de Seattle y consacrera plus de temps. Objectif: envoyer des humains dans l'espace à partir de cet été avant de développer le tourisme spatial à partir de ses fusées New Shepard.

Bezos aura donc moins les mains dans le cambouis et plus la tête dans les étoiles. Il espère que ce recul fera retomber un peu la pression sur les critiques envers Amazon. Il symbolise en effet une société jugée prédatrice plus souvent critiquée dans les médias qu'acclamée. D'ailleurs des salariés d'Amazon manifestaient encore il y a peu devant son domicile de Washington avec une guillotine pour dénoncer les conditions sociales des salariés alors que son patrimoine personnel battait des records.

Une mauvaise image contre laquelle le fondateur d'Amazon lutte en vain depuis 2013. Cette année-là Jeff Bezos avait distribué un mémo à ses proches collaborateurs pour redorer l'image d'Amazon. Selon lui, pour continuer à croître une entreprise doit être aimée et ne doit pas se contenter d'avoir du succès. Et le patron de citer en exemple Disney et Apple et en contre-exemple Goldman Sachs et Exxon Mobile.

Un philanthrope sur le tard

En se consacrant à des activités plus consensuelles, Jeff Bezos sera probablement un peu moins sous le feu des projecteurs. Comme Bill Gates qui n'est plus associé à Microsoft mais à ses activités philanthropiques.

Peu versé dans ces activités avant 2017, Bezos tente de se rattraper depuis en multipliant les initiatives. Il avait d'ailleurs interrogé sa communauté sur Twitter pour qu'on lui soumette des idées d'investissements philanthropiques.

Il a depuis créé le Bezos Day One Fund doté de 2 milliards de dollars qui veut promouvoir l'éducation et aider les sans-abris. Une première école privée et gratuite a ouvert ses portes en septembre dernier. Une autre fondation, la Bezos Earth Fund, a été créée en 2020 pour lutter contre le réchauffement climatique. Il a promis d'y investir 10 milliards de dollars. En novembre dernier, le fondateur du e-commerçant pointé du doigt pour son empreinte carbone a annoncé sur Instagram le nom des 16 premiers bénéficiaires qui recevront 791 millions de dollars. De son côté Amazon versera indépendamment 2 milliards de dollars via son propre fonds Climate Pledge Fund pour financer des technologies durables permettant la décarbonisation.

Conquête spatiale, philanthropie... Jeff Bezos va donc tenter dans les années à venir de gommer cette image de patron sans scrupule qui lui colle à la peau. Mais il ne lâchera pas totalement les rênes de l'entreprise. Dans une conférence téléphonique, le directeur financier d'Amazon Brian Olsavsky a d'ailleurs déclaré que Bezos "serait impliqué dans de nombreux grands problèmes de porte à sens unique",c’est-à-dire des projets qui transformeront le groupe de manière définitive. Acquisitions d'entreprises, lancement de nouveaux produits (le dernier grand succès d'Amazon, son enceinte Echo remonte à 2015) ou encore investissements sur de nouveaux marchés comme les droits sportifs.

Frédéric Bianchi
https://twitter.com/FredericBianchi Frédéric Bianchi Journaliste BFM Éco