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Plans sociaux, recul des embauches... Le spectre du chômage plane de nouveau sur la France

Des gens marchent sur une esplanade (photo d'illustration).

Des gens marchent sur une esplanade (photo d'illustration). - GettyImages

Plusieurs indices montrent que le vent est en train de tourner sur le marché du travail, avec moins d'opportunités pour les candidats et des entreprises qui se montrent méfiantes dans un contexte international incertain.

La courbe va-t-elle remonter? Si pour le moment, le taux de chômage se maintient à 7,3% (son niveau de fin 2024), les indices se multiplient et laissent à penser que la situation est en train de se dégrader.

La Banque de France anticipe ainsi une hausse du chômage à 7,8% en 2025 et 2026. L'Ofce est plus pessimiste et voit le taux de chômage remonter à 7,9% à la fin de l'année 2025, avant d'atteindre 8,5% fin 2026.

Près de 200.000 emplois pourraient être détruits sur la période 2025-2026, selon le centre de recherches en économie de Sciences Po. Cela s'expliquerait par "la faible croissance conjuguée à la réduction des politiques de l'emploi et le haut niveau des faillites".

Plans sociaux en cascade

Signe de la fragilité des entreprises, les plans sociaux se multiplient ces derniers mois. Dernier exemple en date, Arcelormittal qui prévoit de supprimer 600 postes sur sept de ses sites du nord de la France.

Alors assiste-t-on à un véritable retournement du marché du travail? En réalité, selon Alexandre Jules, économiste chez Indeed, la bascule a eu lieu début 2023. Le volume d'offres d'emploi postées sur le site de petites annonces a en effet commencé à se tarir il y a un peu plus de deux ans.

"Après le Covid, beaucoup d'entreprises ont recruté de façon massive", rappelle-t-il à BFM Business.

"Il y avait aussi énormément de dispositifs de soutien qui ont permis d'investir et d'embaucher et qui ont pris fin début 2023."

Le soufflet du Covid retombe

Et les chiffres parlent d'eux-même: selon les données d'Indeed, en base 100 début 2020, le volume d'annonces a presque doublé en deux ans pour atteindre 197 fin 2022. Depuis, la tendance est à la baisse et les annonces sont retombées à 129 en ce mois d'avril 2025.

"On est certes au-dessus du niveau d'avant-Covid, mais on a perdu énormément d'offres et on va continuer sur cette tendance jusqu'à ce que la productivité revienne et que les entreprises restaurent leurs marges", prédit Alexandre Jules.

Malgré cette dégradation, certains secteurs continuent à recruter de façon massive comme la santé, le nettoyage ou la restauration. Mais ce sont des postes difficiles à pourvoir car ils sont souvent pénibles et mal-rémunérés.

Et dans d'autres domaines, les opportunités se font de plus en plus rares. "Pour tous les métiers dits de 'cols blancs', dans des bureaux, avec du télétravail, c'est beaucoup plus compliqué, les candidats se bousculent", explique Alexandre Jules. Par exemple, le nombre d'offres pour le métier de développeur informatique est passé d'une base 100 début 2020 à 60 aujourd'hui.

Les intentions d'embauches dégringolent

Une tendance confirmée par les chiffres de l'Apec (Association pour l'emploi des cadres), qui signale un fort recul des recrutements de cadres en 2024 (-8%), tendance qui devrait se poursuivre en 2025 (-4%). Le bilan pour l'année 2024 se caractérise par un "vrai retournement (de tendance) après des années de rebond post-Covid extrêmement fort", a indiqué le directeur général de l'Apec Gilles Gateau.

De même, les intentions d'embauches mesurées par France Travail suivent une vague similaire. Après avoir grimpé à 3 millions en 2022 et 2023, les projets de recrutement ont amorcé une descente en 2024, qui se poursuit en 2025.

Les intentions d'embauches dégringolent ainsi de 12,5% cette année, tombant à 2,43 millions de projets, soit un niveau d'avant crise sanitaire. Cyril Nouveau, directeur général adjoint de France Travail parle ainsi d'un début de "retournement du marché du travail".

Pour la présidente de l'Association nationale des DRH, il s'agit plutôt d'un "ralentissement". "On observe de la prudence du côté des entreprises, en tant que DRH on est attentifs au niveau de notre masse salariale", témoigne Audrey Richard auprès de BFM Business.

"On fait attention avant de recruter, on essaie de voir s’il n’y a pas d’autres solutions, par exemple de mobilité en interne."

Selon elle, cette prudence est à mettre en lien avec "les tensions géopolitiques et la guerre commerciale" déclenchée par Donald Trump.

"Les candidats ont plus de pression"

Côté candidats, ce retour du chômage provoque une certaine inquiétude. Car s'il y a moins d'offres d'emploi, il y a toujours autant de recherches.

"Il y a clairement une modification du rapport de force en défaveur des candidats", estime Alexandre Jules.

Un autre indice pourrait indiquer que les demandeurs d'emploi sont moins en position de négocier: les salaires proposés ne sont plus aussi élevés. Selon les données des annonces Indeed, corrigées de l'inflation, les salaires nets sont aujourd'hui inférieurs de 5% par rapport à 2020.

Et les salariés ont déjà commencé à voir le vent tourner. Selon un sondage Ifop réalisé en juin 2024, 22% des actifs ont peur de perdre leur emploi. Et à la question: "Comment vous sentez-vous lorsque vous imaginez l’avenir concernant le marché du travail?", 63% évoquent des émotions négatives (inquiet, pessimiste, résigné et anxieux).

"Les candidats ont plus de pression, conclut Alexandre Jules. Ils voient bien qu'il y a moins ou peu d’offres donc oui, c’est plus stressant de chercher un job en 2025 qu’en 2022."

Marine Cardot