EDITO. Voici la seule vraie question sur les retraites: veut-on s’enrichir ou s’appauvrir?

Le premier président de la Cour des comptes, Pierre Moscovici, a tranché le débat qui oppose François Bayrou au Conseil d'orientation des retraites (COR) lors de la présentation de son rapport sur les retraites: non, "il n'existe pas de déficit caché".
Les syndicats ont sauté sur l’occasion pour réclamer de nouveaux droits et des dépenses supplémentaires: abrogation de la réforme Borne pour la CGT (20 milliards), un “bouger sur l'âge légal" pour la CFDT (10 à 15 milliards). Pourquoi pas, puisqu’"il n’existe pas de déficit caché"?
Mais le déficit est bien là et il n'est pas caché: 6,5 milliards de trou dès cette année, 15 milliards en 2030 et 30 milliards dans 20 ans. Par an. En 2045, ce serait 470 milliards d'euros de dette cumulée.
Ce qui se joue dans les prochaines semaines, c’est donc une partie de la prospérité future de notre pays. Collectivement, le choix qui se pose aux Français, et qui n’est malheureusement pas clairement exposé, c'est veut-on suivre la voie de l'appauvrissement ou de l'enrichissement?
Comment ça ?
La volonté des syndicats, c'est de taxer plus pour travailler moins. On ajoute un peu de cotisations salariales, un peu de cotisations patronales, on fait un peu de sous-indexation des retraites pour dire que tout le monde participe à l’effort et le tour est joué. On revient sur un âge légal de départ en retraite à 62 ans.
Mais augmenter les cotisations patronales revient à imposer un choc d’offre négatif à l'économie française. Ça accroît les coûts de production, ça renchérissant le coût du travail, ça dégrade la compétitivité des entreprises et c’est potentiellement destructeur d’emplois.
Selon les prévisions de Bercy, sept milliards d'euros de cotisations patronales en plus, c'est 57.000 destructions d’emplois à court terme et 85.000 à cinq ans.
Augmenter les cotisations salariales, c’est un choc de demande négatif sur l'économie. C’est du pouvoir d’achat en moins, de la consommation en moins, donc l’activité en moins et à terme l’emploi en moins.
Toujours selon Bercy, sept milliards de cotisations salariales en plus c'est 32.000 emplois en moins à court terme et 73.000 à cinq ans.
Et la sous-indexation des pensions?
Un point de sous-indexation, c'est trois milliards d’économies pour quelques euros d’effort par mois pour chaque foyer. Un rendement important et quasiment indolore pour les pensionnés.
Mais attendons de voir quel parti politique osera toucher aux sacro-saintes retraites.
Surtout, il faut bien se rendre compte que la France souffre d’un taux d’emploi plus faible que ses voisins européens, notamment chez les seniors. Si l'Hexagone avait le taux d’emploi de l’Allemagne, nous n’aurions plus de problèmes de déficits, ni sur les retraites, ni de déficit public tout court. Ce serait de la croissance en plus.
Or, quel est le levier le plus puissant pour augmenter le taux d’emploi des seniors? Le décalage de l’âge de départ en retraites. C’est assez simple: si on redescend à 63 ans, cela coûte 13 milliards, si on porte à 65 ans, ça rapporte jusqu’à 18 milliards.
Alors, quelle voie choisit-on? L’enrichissement ou l’appauvrissement? Telle est la question que l'on devra absolument se poser dans les discussions qui s'ouvrent.