EDITO. Taxer les retraités, est-ce une bonne idée?

Dire que la ministre du travail, Astrid Panosyan-Bouvet, a reçu peu de soutien à sa proposition de taxer les 40 % des retraités les plus aisés pour financer la dépendance relève de la litote.
Matignon a tout de suite rétropédalé en indiquant que ce n’était “pas d’actualité”, et plusieurs députés de tout bord sont sortis pour dire tout le mal qu'ils pensaient de la mesure. Les retraités votent en masse, pas question de les fâcher.
Le financement de la Sécu reste pourtant l’éléphant dans la pièce budgétaire. Les dépenses sociales représentent plus de la moitié de nos 1.600 milliards de dépenses publiques et seulement un sixième de l’effort budgétaire en 2025 (5 milliards sur 30 milliards d'économies).
Faut-il solliciter davantage les retraités pour le financement de la sécurité sociale? Si Astrid Panosyan-Bouvet a peut-être lancé le sujet de manière un peu maladroite, c’est la question mérite d'être posée.
Notre système social peut-il et doit-il majoritairement reposer sur les actifs et les entreprises? C’est un vrai débat de société.
La ministre a raison de dire qu' "il y a un moment donné où il faut que cette charge soit mieux répartie sur l'ensemble de la population". C’est la thèse d’Antoine Foucher, dans son dernier livre Sortir du travail qui ne paie plus (éditions de l'Aube) qui a fait grand bruit dans la classe politique, et qui propose de basculer 100 milliards de cotisations sociales sur la consommation, le capital (les gros héritages, ceux qui touchent des dividendes ou des intérêts) et les retraités les plus aisés.
Il y a peut-être d’autres voies qu’une taxe supplémentaire?
C’est vrai qu'avant de parler de hausses d'impôts, on devrait plutôt s’attaquer aux dépenses. Il y a de quoi faire. Mais vous avez remarqué? En trois jours, nous avons eu droit à trois impôts: dimanche, Catherine Vautrin a relancé la journée de travail gratuit, lundi Bercy a annoncé une CVAE additionnelle sur les entreprises et mardi Astrid Panosyan-Bouvet évoque la contribution sur les retraités.
D'autres idées circulent sur les retraités, comme l'augmentation du taux de leur CSG réduite, l'alourdissement de la contribution additionnelle de solidarité pour l’autonomie ou la suppression de l’abattement de 10% pour frais professionnels qui rapporterait plus de 4 milliards.
Toute la question va être de savoir quelle mesure va passer le test de Colbert, qui déjà au XVIIe siècle expliquait que “l'art de l'imposition consiste à plumer l'oie pour obtenir le plus possible de plumes avec le moins possible de cris.”
La proposition d’Astrid Panosyan-Bouvet pourrait rapporter 500 à 800 millions d’euros et repose sur les 40% retraités qui touchent plus de 2000 ou 2500 euros de revenus nets, soit près de 7 millions de personnes. La troupe d’oies risque de carcader fort. Pas sûr que la mesure passe le mur du son.
Des alternatives existent. Le report de six mois de la revalorisation des pensions dans le budget 2025 devait rapporter 4 milliards d'euros avant la censure. L'équivalent de huit années de taxe Panosyan-Bouvet.