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Union européenne

TOUT COMPRENDRE - Quels choix a fait le Parlement européen concernant le "paquet climat" européen ?

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Les eurodéputés ont étudié 8 des 14 textes composant ce volet important de la future politique européenne. Ils ont oscillé entre confirmations et rejets inattendus.

Strasbourg vibrait ces deux derniers jours: le Parlement Européen se penchait sur la stratégie "Fit for 55" ("Paré pour 55 "), nom de code de la politique européenne concernant les émissions de CO2. Elle prévoit la baisse de 55% des émissions continentales par rapport à 1990 - elles ont déjà décru de 20% en 22 ans.

La Commission Européenne a formulé des propositions en juillet, regroupées dans un "paquet climat" de 12 textes, soumis à la validation du Parlement. Ces 12 textes regroupent un certain nombre de points, du mécanisme d'ajustement carbone aux frontières, au développement des puits de carbone, en passant par la réforme du secteur des transports, vers l'électrique et les biocarburants. Retour sur quelques textes clés discutés le 8 juin et sur les conséquences de ces votes.

• Pourquoi le Parlement a-t-il rejeté la réforme du marché européen du carbone ?

L'institution strasbourgeoise a été à rebours des plans formulés par la Commission Européenne sur un point important: la réforme du marché européen du carbone. Le texte proposé prévoyait une extension de ce marché carbone, qui monétise la pollution. Les entreprises se voient attribuer des droits à polluer, qu'elles peuvent utiliser dans la limite d'un niveau d'émissions autorisé: passé ce niveau, elles doivent payer pour acheter le droit de polluer à un autre industriel qui, lui, aura moins pollué que prévu. L'idée est de rendre la pollution économiquement palpable en sanctionnant les gros pollueurs, tout en fixant une quantité d'émissions globales à ne pas dépasser - le nombre de droits à polluer n'étant pas infini.

Le texte proposé par la Commission devait étendre ce mécanisme aux secteurs du transport routier et du chauffage, jusqu'ici exemptés; il devait aussi permettre la suppression des quotas gratuits, des droits à polluer accordés de façon exceptionnelle aux secteurs de l'électricité, de l'industrie ou de l'aviation.

Le texte final a été rejeté, à 340 voix contre, 265 pour et 34 abstentions. En cause, un amendement adopté par la droite européenne, repoussant l'arrêt des quotas gratuits (qui, à défaut de leur caractère dérogatoire, représente 41% des émissions de l'UE) à 2034. Il repoussait par la même la mise en place complète d'une taxe carbone sur les importations polluantes (acier, aluminium, ciment, engrais, électricité), et a fait basculer le vote des écologistes et des groupes de gauche vers un rejet.

Dans la foulée, deux autres textes, celui consacré à la mise en place d'un fonds social pour le climat, et celui concernant l'ajustement du mécanisme carbone aux frontières - intimement lié aux règles concernant les droits à polluer européens - ont été aussi reportés.

• Les voitures thermiques seront-elles interdites en 2035 ?

En revanche, si Strasbourg peut se targuer d'un accord historique, c'est bien sur le sujet des véhicules thermiques: leur commercialisation sera bel et bien interdite dès 2035 sur le sol européen. Place donc à l'électrique à partir de cette date, l'Union Européenne espérant ainsi atteindre une relative neutralité carbone en 2050 dans le domaine automobile.

Car il faudra compter encore une quinzaine d'années pour que la majorité des véhicules thermiques encore en circulation s'arrêtent de rouler: en 2035, vous pourrez toujours circuler avec un véhicule diesel ou à essence.

Fait notable, sous la pression des constructeurs dont les stratégies climatiques varient, le centre-droit (PPE) a tenté de ramener cette interdiction à une simple réduction de 90% des émissions en 2035. L'amendement a été rejeté: et des objectifs intermédiaires de réduction des émissions sont aussi fixés: 55 % pour les voitures et 50 % pour les camionnettes dès 2030.

• Quelles réformes touchent le secteur de l'aviation ?

Autre secteur au coeur des discussions, l'aviation: et sur le sujet, le Parlement a là encore confirmé les orientations prises par Bruxelles et la Commission d'Ursula Von Der Leyen.

L'industrie aérienne va cesser de bénéficier de droits à polluer gratuits, et devra donc participer pleinement au marché carbone européen. Tous les vols au départ d'un aéroport situé dans l'Espace Economique Européen (EEE) sont concernés, y compris ceux à destination de pays n'en faisant pas partie.

La rapporteuse du texte, la Croate Sunčana Glavak, a estimé que des mécanismes inclus dans le vote permettront néanmoins aux compagnies de gérer la transition vers la décarbonation, notamment la mise en place de quotas à polluer concernant les biocarburants :

Nous alignons le secteur de l'aviation sur nos objectifs climatiques. Mais, dans le cadre de ce processus, nous devons proposer des solutions de décarbonisation pour le secteur, ce que nous avons réussi à faire dans cette commission avec l'introduction de quotas de carburants d'aviation durables (SAF).

• Qu'advient-il des propositions rejetées par le Parlement?

Les votes au Parlement européen succèdent dans la procédure législative ordinaire européenne à la proposition de la Commission Européenne, seul organisme à avoir l'initiative de la loi.

En première lecture (celle d'aujourd'hui), le Parlement européen a la charge de voter le texte de la Commission, en l'amendant ou non. Les textes adoptés transitent ensuite par le Conseil de l'Union Européenne, qui regroupe les chefs d'Etats ou de gouvernement des Etats membres : sa présidence tourne tous les six mois, la France impulsant en ce moment la cadence, jusqu'à la fin juin. Le texte peut alors être validé définitivement, ou bien renvoyé au Parlement pour une seconde lecture, puis une conciliation si la seconde mouture votée au Parlement ne satisfait toujours pas le Conseil. Le texte peut alors être abandonné si un compromis n'est pas trouvé.

Quant aux textes d'ores et déjà rejetés par le Parlement, comme celui concernant le marché carbone, ils repartent en travail au sein des commissions du Parlement, organes plus restreints, chargés de plancher en amont sur les textes votés dans l'hémicycle par l'ensemble des eurodéputés. Dans le cas du "paquet climat", c'est la commission de l'environnement, de la santé publique et de la sécurité alimentaire (ENVI), présidée par le Français Pascal Canfin (Renew), qui aura la charge de retravailler les textes.

Valentin Grille