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Qu'est-ce que le mécanisme d'ajustement carbone aux frontières, validé par l'UE?

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Il doit permettre de taxer les importations polluantes, pour protéger les industriels européens et limiter les délocalisations.

A un mois du premier tour de la présidentielle, c'est un trophée européen que pourra brandir Emmanuel Macron. La présidence française de l'Union Européenne a bouclé la validation du Mécanisme d'Ajustement Carbone aux Frontières (MACF), a annoncé le ministre de l'Economie, Bruno Le Maire, à l'issue du conseil Ecofin, réunissant les ministres de l'Economie des 27.

Nous avons arrêté l’orientation générale sur le mécanisme d’ajustement d’ajustement carbone aux frontières. Cette adoption est une décision majeure, qui met un coup d’arrêt aux fuites de carbone, dévalorisant le projet européen et qui sont une aberration écologique. Le climat devient aujourd'hui un déterminant des relations commerciales internationales", a déclaré Bruno Le Maire.

Dossier central depuis deux ans pour le marché unique, le MACF doit réduire les émissions et imposer des standards environnementaux aux partenaires commerciaux de l'Europe. Cette taxe carbone européenne doit aussi éviter les délocalisations pour raisons écologiques.

20% des émissions viennent des importations

Le dispositif doit permettre de réduire les émissions de gaz à effet de serre de l'UE, en agissant sur ses échanges avec ses partenaires commerciaux. Bruxelles va fixer un seuil d'émissions considéré comme acceptable, et toute entreprise dépassant ce seuil devra faire face à une taxe si elle veut exporter sur le marché européen.

L'impact ne sera pas négligeable, puisque les importations représentent 1 714 milliards d’euros en 2020, et 20% des émissions environ. Pire, la quantité de gaz rejetés par ces importations augmente d'année en année. Chine, Suisse, Turquie, Japon ou Norvège (ainsi que la Russie, avant la crise ukrainienne) comptent parmi les principaux exportateurs vers l'Europe, et parmi les plus affectés à terme par le mécanisme.

Emmanuel Macron, dans son discours précédant la prise de présidence française de l'UE, avait insisté sur cette réforme, nécessaire pour protéger l'industrie en évitant une concurrence déloyale :

Cette taxe carbone permet de conduire cette transition énergétique pour l’ensemble de nos industries en préservant notre compétitivité. Cela consiste à corriger le fait de demander aujourd’hui des investissements décarbonés en Europe, tout en continuant à importer des biens qui viennent de régions qui ne font pas cet effort. Nous compenserons le différentiel à nos frontières.

Outre la protection du tissu économique, le MACF doit être une arme contre le réchauffement, en évitant les "fuites de carbone": selon le Trésor français, leur taux oscillent entre 5 et 30% :

Pour 10 tonnes d'émissions évitées dans le pays ou région qui adopte une politique climatique plus ambitieuse, les émissions dans le reste du monde augmentent de 0,5 à 3 tonnes.

Ces fuites de carbone proviennent de la concurrence d'industries étrangères, mais aussi de délocalisations menées par les industriels pour éviter à avoir à se conformer aux réglementations, plus dures sur le Vieux Continent.

Pierre angulaire du "Green New Deal"

Si l'idée tourne depuis plusieurs années, le MACF a été initié par un texte de la Commission Européenne, en juin 2021. Avant cela, un vote indicatif du Parlement Européen avait validé le lancement du processus législatif à l'échelle de l'UE.

La proposition faite par la Commission à l'été dernier fait partie du "Fit for 55", le paquet de mesure pour le climat édictées par Bruxelles pour atteindre la neutralité carbone en 2050 (avec une baisse de 55% des émissions, dès 2030, par rapport à 1990). Après cette validation du Conseil Européen, le vote définitif devrait avoir lieu au Parlement en mai.

La Commission a notamment fixé plusieurs questions importantes: cinq secteurs ont été visés en particulier (le fer et l’acier, l’aluminium, le ciment, l’engrais et l’électricité). Les surcoûts seront aussi calqués sur les cours du système d’échange des quotas d’émissions carbone. Le MACF pourra constituer une ressource supplémentaire pour l'Union Européenne, à hauteur de 1 milliard par an pour le budget européen.

Le texte est fortement poussé par Paris, qui voulait en faire l'une des principales réalisations de son mandat à la tête des institutions européennes. Il pourrait entrer en vigueur dès le 1er janvier 2023.

Valentin Grille