L'Union européenne n'a jamais produit si peu d'énergie au charbon

En Europe, les émissions de CO2 du secteur de l’énergie n’avaient jamais autant baissé en une année. Elles ont chuté de 12% en 2019, selon un rapport des think tank européens Agora Energiewende et Sandbag dévoilé ce mercredi. Une performance notamment liée à la baisse de l’utilisation du charbon pour produire de l’énergie, mais aussi à des causes inquiétantes liées au réchauffement climatique.
Si l’industrie européenne de l’énergie a rejeté 120 millions de tonnes de CO2 en moins, c’est d’abord parce que son exploitation du charbon, source d’énergie particulièrement polluante, a baissé de 24%. Pour les auteurs du rapport, l'abandon de cette énergie fossile est directement lié à la hausse du prix des émissions de carbone:
"à 25 euros la tonne de Co2, le charbon devient l’énergie la plus chère à produire, devant le gaz naturel, le nucléaire et même les renouvelables", explique Matthias Buck, directeur chez Agora Energiewende.
La Pologne et la Grèce en pointe
Sur l'abandon de l'énergie fossile, les auteurs du rapport pointent deux très bons élèves. D'abord la Pologne, qui a longtemps couru après le gaz de schiste, et qui s’est finalement lancé à fond dans l’éolien. Il représente désormais 10% de son mix énergétique. Ensuite, la Grèce, qui s’est relevée de la faillite de son industrie du charbon en opérant une transition énergétique ultra-rapide: l’électricité verte représente désormais un petit tiers du total, presqu’autant que celle produite à partir d’énergie fossile.
Notamment grâce à eux, pour la première fois de son histoire, l’Europe a produit plus d’énergie verte -à base de solaire (+7%) ou d’éolien (+14%)-, que d’électricité à partir de charbon. La part des renouvelables dans le total produit dans l’UE a ainsi atteint 35% en 2019, presque 2 points de plus qu’en 2018. Là encore, c’est du jamais-vu.
Moins de charbon à cause de la sécheresse
Mais cette augmentation de la part d’énergie verte dans le mix énergétique européen n’est pas liée qu’au chemin vertueux que prend l’industrie. Elle est également une conséquence du réchauffement climatique.
"La baisse des niveaux fluviaux a entravé les livraisons de charbon aux centrales électriques via les voies navigables", note par exemple les auteurs de l’étude.
En outre, la production d’énergie nucléaire a chuté de 1% sur le continent, alors même que la Belgique remettait en service des réacteurs arrêtés depuis des mois, augmentant sa production d’électricité nucléaire de 28%.
Là encore, cette baisse est la conséquence directe du dérèglement du climat. Sur une année 2019 record en termes de températures, nombre de centrales ont été mises à l’arrêt l’été dernier à cause du niveau trop bas des cours d’eau et de leurs températures trop élevées. C’est ce qui s’est passé notamment en France, où les réacteurs ont produit 3% d’électricité de moins qu’en 2018.
Une baisse de consommation en trompe-l'oeil
Le rapport note enfin que la consommation d’énergie a reculé, de 1,7% sur un an. Et une fois de plus, ce recul est davantage lié au réchauffement de la planète qu'à des efforts particuliers en matière d'économie d'énergie.
"L’hiver très doux des premiers et derniers mois de 2019 a fait baisser la consommation d’énergie, faisant plus que compenser la hausse liée à l’usage accru de climatiseurs les mois d’été", souligne le rapport.
Ainsi, pour ses auteurs, cette baisse de l’utilisation des énergies fossiles et de la consommation d’énergie en Europe ne va pas durer, justement à cause du dérèglement du climat.
"Le risque, c’est que toute l’Europe de l’est se mette à utiliser des climatiseurs tout l’été, et que les précipitations en Europe de l’ouest continuent de faiblir", déplore Matthias Buck.
Pour éviter ces effets pervers, les auteurs du rapport appellent les États à maintenir élevé le prix de la tonne de Co2, et les industriels à mieux anticiper le réchauffement climatique pour dessiner le futur du système énergétique européen.