Comment utiliser les 235 milliards d'euros d'avoirs russes gelés sans les confisquer? L'UE a une solution: elle va prêter l'essentiel à l'Ukraine

Volodymyr Zelensky et Ursula von der Leyen, ce dimanche 17 août à Bruxelles. - BFMTV
L'Union européenne se creuse la tête pour trouver le moyen d'aider financièrement l'Ukraine. Elle lorgne depuis de longs mois sur les actifs russes qu'elle a gelés depuis le début de la guerre. Cette manne s'élève à 235 milliards d'euros, selon les données de la Commission européenne.
L'essentiel -210 milliards d'euros- appartient à la banque centrale russe. Il s'agit d'une partie de ses réserves, notamment placées sous la forme de titres de dettes. Ces fonds sont principalement stockés en Belgique, dans la société de dépôt de fonds Euroclear.
Toute la difficulté consiste à se servir de l'argent, actuellement gelé, mais sans le saisir. C'est-à-dire sans exproprier la banque centrale russe. Plusieurs pays, dont la France, refusent catégoriquement cette confiscation.
Ils craignent que cette saisie soit illégale et surtout qu'elle dissuade à l'avenir des investisseurs étrangers de détenir des réserves en euros. Selon certains spécialistes, cela pourrait provoquer une perte de confiance vis à vis de la monnaie européenne et déprécier sa valeur.
La Commission européenne pense toutefois avoir trouvé une solution selon le Financial Times. Bruxelles a noté qu'une bonne partie des fonds gelés chez Euroclear (170 milliards d'euros) sont aujourd'hui arrivés à échéance et se trouvent sous la forme de solde de trésorerie.
L'idée est donc de les réinvestir, sans les confisquer, dans des obligations européennes à taux zéro. Les 170 milliards d'euros levés via ces obligations seraient ensuite transférés, vraisemblablement sous forme de prêt, vers l'Ukraine explique le Financial Times.
Ursula von der Leyen a récemment plaidé pour la mise en place de "prêts de réparation" à l'Ukraine, précisant que l'Ukraine ne les rembourserait "qu'une fois que la Russie aura payé les dommages de guerre", lors d'un discours devant les députés.
Accord des États membres
La solution à l'étude à la Commission européenne se rapproche d'une proposition du professeur de droit Lee Buchheit et du journaliste britannique Hugo Dixon, publiée par l'institut Montaigne en début d'année. Ces derniers plaidaient pour "déployer les actifs russes au profit de l'Ukraine sans les confisquer", via un prêt européen à l'Ukraine, garanti par des demandes de réparations de guerre et gagé en dernier ressort par les avoir gelés.
Le mécanisme supposerait notamment que les actifs russes restent gelés toute la durée de ce prêt. Jusqu'ici, les pays européens se sont contenté d'utiliser les intérêts générés par les avoirs gelés pour aider l'Ukraine. Ces intérêts s'élevaient à 6,5 milliards d'euros l'année dernière selon le média spécialisé Tendance Trends, ce à quoi il faut ajouter divers impôts prélevés sur ces revenus par les pays européens.
Ces sommes sont insuffisantes alors que l'Ukraine espère au moins 50 milliards de dollars l'an prochain (43 milliards d'euros) et que les caisses de la plupart des États membres sonnent creux. La Commission européenne doit présenter d'ici fin octobre ses propositions et devra obtenir l'accord des États membres. L'immobilisation des fonds nécessite un accord unanime. Certains pays, comme la Hongrie, pourraient poser leur véto.
Le Kremlin, par la voix de son porte-parole Dmitri Peskov, a prévenu ce lundi que l'utilisation des moyens russes "ne resterait pas sans réponse". De son côté, la Russie a toutefois saisi près de 43 milliards d'euros d'actifs appartenant à des étrangers, selon un décompte du cabinet russe NSP relayé par la revue Le Grand Continent.
En 2024, la famille du dictateur tchétchène Ramzan Kadyrov a par exemple mis la main sur la filiale locale de l'entreprise française Danone pour une fraction de sa valeur (177 millions d'euros).