Brexit: ces patrons britanniques qui réclament un nouveau référendum

Brexit - BEN STANSALL / AFP
Les jours passent et aucune avancée à l'horizon. À douze jours de la date du Brexit, la confusion et l’incertitude règnent toujours au Royaume-Uni. Pour tenter d’y voir plus clair, les députés britanniques vont se prononcer ce lundi sur un nombre réduit d’options. Objectif: dégager une majorité sur un projet autre que l’accord conclu entre Theresa May et Bruxelles. Avec l’espoir de sortir enfin de l’impasse.
En dehors des murs du Parlement, les Britanniques, qu’ils soient pro ou anti-Brexit, assistent affligés au spectacle désolant qui se joue depuis plusieurs semaines à la Chambre des Communes. Et c’est désormais le ras-le-bol général qui gagne le pays. Dans la sphère économique, la menace de plus en plus crédible d’une sortie sans accord oblige de nombreux patrons europhiles à tirer la sonnette d’alarme.
Des patrons favorables à un nouveau vote
Après un troisième rejet de l’accord par les députés britanniques vendredi, l’emblématique patron de Virgin Richard Branson, fervent opposant au Brexit, a demandé ce lundi aux députés l’organisation d’un nouveau référendum:
"En tant qu’investisseur dans le monde des affaires britannique, je sais qu’un Brexit sans accord pèsera sur l’économie britannique pendant des années, détruisant ainsi les emplois et les moyens de subsistance", a-t-il assuré, ajoutant que le Parlement britannique doit "prendre le contrôle, refuser tout accord et donner à la population britannique le dernier mot sur ce qu’elle veut vraiment". Il y a une semaine, Richard Branson avait déjà alerté sur les risques d’un "no deal" et appelé à un nouveau vote. "C’est un moment de crise nationale profonde pour le Royaume-Uni", avait-il déclaré.
Les grands patrons britanniques n’ont pas attendu les rebondissements des derniers jours pour montrer leur opposition au Brexit. En novembre, 70 d’entre eux inquiets des effets d’un "Brexit dur" de plus en plus probable publiaient une lettre dans le Sunday Times pour demander un nouveau vote.
Deux mois plus tard, ce sont 170 personnalités du monde des affaires britannique, dont Paul Myners, l'ancien patron de Marks & Spencer, Martha Lane-Fox, co-fondatrice de lastminute.com ou encore Mike Rake, ex-président du conseil de BT, qui signaient une tribune pour réclamer un second référendum afin de savoir "s’ils (les Britanniques) veulent encore quitter l’UE" et ce, pour éviter une rupture "chaotique" avec Bruxelles.
"Cela fait longtemps que ce n'est plus marrant"
Certains grands chefs d’entreprises opposés au Brexit ont multiplié les déclarations chocs depuis le vote de 2016 pour montrer leur mécontentement. À commencer par le sulfureux patron irlandais de Ryanair, Michael O’Leary, qui a estimé que le Brexit était "l’idée la plus stupide depuis 100 ans". Il faut dire que l’aérien risque d’être parmi les secteurs les plus touchés en cas de sortie sans accord. EasyJet a ainsi reconnu ce lundi souffrir de la nervosité liée au Brexit:
"Pour le second semestre, nous voyons le Royaume-Uni et l’Europe aux prises avec des faiblesses qui découlent de l’incertitude macroéconomique et de nombreuses questions en suspens autour du Brexit", a déclaré le directeur général de la compagnie, Johan Lundgren.
Le directeur général par intérim de l’organisation Institute of Directors Edwin Morgan a lui aussi fait part de son exaspération, estimant que le "manège du Brexit continue de tourner mais cela fait longtemps que ce n’est plus marrant". De son côté, Charlie Mullins, l’excentrique PDG et fondateur de Pimlico Plumbers, plus gros réseau de plombiers du pays, n’a pas hésité à dire "Merde au Brexit" sur une pancarte longue d’une trentaine de mètres installée le long d’une ligne de train à Londres. Selon lui, quitter l’Union européenne serait "une catastrophe". Il ajoute qu’il s’agirait de la "pire chose pour le Royaume-Uni depuis la Seconde Guerre mondiale".
Autre grand patron du Royaume-Uni, le co-fondateur de la marque de vêtements Superdry, Julien Dunkerton, avait annoncé au mois d’août 2018 avoir fait un don d’un million d’euros pour soutenir l’organisation "People’s Vote", qui milite pour un nouveau référendum. "Les gens se rendent de plus en plus compte que le Brexit va être un désastre", avait-il assuré.
Patronat et syndicats haussent le ton
Les chefs d’entreprises britanniques ne sont pas les seuls à s’être prononcés contre la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne. Ceux dont l’activité est bien implantée outre-Manche craignent aussi un choc en cas de Brexit sans accord.
L’industrie automobile est particulièrement concernée. En septembre, le patron de Jaguar Land Rover, Ralf Speth avait dit craindre un tel scénario, assurant qu’il entraînerait la fermeture d’usines et d’importantes pertes d’emplois. Selon lui, les industries exposées n’auraient "aucun moyen de survivre à un Brexit dur". "Il n’y aurait plus d’accord commercial et nous serions alors forcés de construire aux Pays-Bas", avait pour sa part menacé le PDG de BMW, Harald Krüger.
Face à un sujet aussi sensible, patronat et syndicats britanniques étaient restés relativement discrets depuis l’annonce des résultats du référendum de 2016. Mais le chaos ambiant et la probabilité croissante d’un "no deal" les ont poussés eux aussi à sortir de leur réserve. Dans une lettre commune publiée fin mars, l’organisation patronale CBI et la confédération syndicale TUC ont exigé un "plan B" pour éviter de choisir entre l’accord de Theresa May et un Brexit sans accord, allant jusqu’à parler d’"urgence nationale".
certains patrons militent pour un "no deal"
Si une large majorité de grands patrons britanniques se disent opposés au Brexit, tous ne sont pas de cet avis. Certains affichent même clairement leur volonté de voir le Royaume-Uni rompre brutalement avec Bruxelles. À l’image de Tim Martin, à la tête du groupe Wetherspoon, qui compte 900 pubs au Royaume-Uni, qui est prêt à défendre le "no deal" coûte que coûte. "Toutes ces histoires d’un saut de la falaise en cas de ‘no deal’, c’est du n’importe quoi", affirme-t-il dans son magazine Wetherspoon News. Le patron de pub a même supprimé tous les alcools européens de ses bars, expliquait Le Monde en février.
Le président du groupe de chimie Ineos, Jim Ratcliffe, et James Dyson, inventeur des aspirateurs du même nom, ont tous deux fait la promotion du Brexit. Le premier avait assuré que les "Britanniques étaient parfaitement capables de s’occuper d’eux-mêmes" quand le second disait qu’il était "impossible de négocier avec l’UE… qui empêche l’innovation".
Mais ces deux capitaines d’industrie pourtant partisans du Brexit n’ont pas tenu à rester au Royaume-Uni. En effet, le milliardaire Jim Ratcliffe est parti s’installer à Monaco l’an passé. Quant à James Dyson, le Guardian révélait en janvier qu’il allait installer le siège de son entreprise à Singapour. Le groupe Dyson s'était néanmoins défendu en expliquant que cette délocalisation n’avait "rien à voir avec le Brexit".