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Grève du 7 mars: quelles conséquences à la pompe du blocage des expéditions de carburants?

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La CGT-Chimie a annoncé ce matin le blocage des expéditions de carburants à la sortie de toutes les raffineries de France. Cependant, l'opération ne devrait pas avoir dans l'immédiat de lourdes répercussions dans les stations-services.

Se dirige-t-on vers un nouvel épisode de rupture massive de carburants dans les stations-service? La CGT-Chimie a annoncé ce matin que les expéditions de carburants étaient bloquées à la sortie de "toutes les raffineries" de France afin de protester contre le projet de réforme des retraites du gouvernement. L'élu national de l'organisation syndical Eric Sellini a précisé que les raffineries de TotalEnergies, Esso-ExxonMobil et Petroineos étaient affectées par ce mouvement social.

"La grève est partie partout, (...) avec des proportions de grévistes très variables en fonction des sites, mais avec des expéditions bloquées en sortie de toutes les raffineries ce matin", détaillait-il tôt ce mardi.

Des grèves largement concentrées sur les expéditions

Esso-ExxonMobil indique que neuf salariés se sont mis en grève hier à 21 heures pendant 48 heures à la raffinerie de Fos-sur-Mer (Bouches-du-Rhône) tandis qu'ils sont 14 à l'avoir fait ce matin pour une durée de 24 heures sur le site normand de Gravenchon. "Il n'y a pas d'impact sur la production, seules les expéditions de produits sont arrêtées", précise l'entreprise.

Du côté de TotalEnergies, 190 des 296 opérateurs étaient en grève ce matin, soit près des deux tiers. La compagnie pétrolière confirme que ce sont bien les expéditions des raffineries qui sont bloquées mais comme à l'automne dernier, la grève gagne déjà d'autres activités sur les sites.

Ainsi, le secrétaire FO Hakim Bellouz indiquait ce matin que 75% des salariés étaient en grève sur la production mardi matin à la raffinerie de Feyzin dans le Rhône alors que celle de Donges (Loire-Atlantique) est déjà arrêtée depuis dix jours en raison d'un "problème électrique" selon la direction.

"Aussi bien dans la production de carburant, que dans la distribution, que dans l'importation, on vise à bloquer l'ensemble de l'économie, en particulier par la grève", avait déclaré Emmanuel Lépine, son secrétaire général.

Les dépôts de carburants sont suffisamment remplis

Malgré ces arrêts, l'ensemble des acteurs du secteur se montre serein. "On a sept raffineries à l'arrêt mais c'est uniquement la partie expéditions dans les 200 dépôts de France qui est touchée, rappelle Francis Pousse, président "distributeurs de carburants" au syndicat Mobilians. Ces dépôts avaient pris leurs dispositions depuis quelques jours et sont théoriquement pleins. On a l'habitude d'être agile avec les dépôts de carburants car ça fait des années qu'on a au moins une fois par an un mouvement qui impacte la distribution."

Sur Sud Radio, le représentant syndical indiquait ce matin que les réserves de carburant variaient de 3 à 15 jours selon les types de points de ventes.

"On a tous anticipé des livraisons plus importantes au cours des derniers jours et les camions-citernes continuent de tourner et de s'approvisionner dans les dépôts de carburant", poursuit Francis Pousse.

Ce constat est corroboré par Totalénergies qui s'appuie sur 50 des 200 dépôts français et détient des participations dans 27 d'entre eux dont 7 opérés par les sociétés de la compagnie.

"Nous confirmons qu'il n'y a pas de manque de carburants dans nos stations", rassure l'entreprise.

"En outre les stocks en dépôts et en station-service sont à un niveau élevé. Nos équipes sont mobilisées pour faire face à une demande qui pourrait être plus soutenue que d'habitude et disposent de moyens logistiques supplémentaires le cas échéant", poursuit-on chez Totalénergies.

Le danger des ruées dans les stations-services

Car c'est bien là que réside à terme le point de bascule vers une situation semblable à celle vécue par les automobilistes français en octobre dernier selon Francis Pousse.

"Il n'y aura pas de conséquences importantes dans les station-essence... sauf s'il y a beaucoup de pleins de précaution comme on commence à le voir un peu partout", souligne le président "distributeurs de carburants" au syndicat Mobilians.

Frédéric Plan estimait ce matin sur FranceInfo que la situation actuelle n'est pas comparable à celle de l'automne. "C'était un conflit très dur avec des arrêts de production sur l'essentiel des raffineries situées en France, expliquait le délégué général de la Fédération Française des Combustibles et Carburants, qui représente environ un millier de stations-service. Ce qui s'était produit à l'époque, c'était un coup d'accordéon sur la logistique, accentué par une crainte des automobilistes qui ont sur-rempli leurs réservoirs."

Des leviers disponibles en cas d'accentuation du mouvement

Dans les colonnes du Parisien, le porte-parole de la FF3C conditionnait les répercussions à la pompe du mouvement social à son ampleur et sa durée. "Si c'est deux ou trois jours, on a de quoi tenir, tempérait-il. Mais si les raffineries entrent dans la danse, comme à l'automne dernier, alors ça compliquera la donne."

Pour Olivier Gantois, président de l'Union française des industries pétrolières (Ufip), il est toujours possible de "jouer sur les importations" si les raffineries sont bloquées "mais si le mouvement traîne en longueur et que toute la chaîne est touchée, là ça devient plus compliqué."

Pour l'instant, les raffineries poursuivent leur production de carburant et ne s'arrêteront qu'une fois les réserves sur site pleines, ce qui nécessiterait plusieurs jours, voire semaines de blocages. Par ailleurs, bien que l'heure ne soit pas encore à ce recours, le secteur peut compter sur les fameux stocks stratégiques lesquels correspondent à plus de trois mois de consommation nationale.

Timothée Talbi