Retraites: la Cour des comptes appelle à des mesures d'équité sur l'emploi des seniors

Le recul de l'âge de départ à la retraite en France a permis d'améliorer le taux d'emploi des seniors mais celui-ci reste faible par rapport aux autres pays européens et cache de fortes disparités qui réclament de nouvelles mesures d'accompagnement à destination des femmes et des plus vulnérables, constate la Cour des comptes dans un rapport présenté jeudi.
"L'équité s'invite au coeur du débat", a estimé le premier président de la Cour, Pierre Moscovici, en présentant à la presse ce second volet de la "mission flash" demandée à l'institution par le Premier ministre François Bayrou dans le but d'alimenter les discussions des partenaires sociaux sur une possible amélioration de la réforme des retraites de 2023, qui a repoussé l'âge légal de départ à 64 ans.
"Il est évident qu'il faut de nouvelles mesures de la part des entreprises et des pouvoirs publics pour accompagner les personnes les plus vulnérables mais aussi les aidants, qui sont le plus souvent des femmes", a-t-il souligné.
Un faible taux d'emploi des hommes de 55 ans et plus
L'augmentation du taux d'emploi (actifs hors chômeurs) permet de relever grâce aux cotisations le financement du système et ne semble pas affecter la productivité, et donc la compétitivité de l'économie, observe la Cour des comptes. Or en France, le taux d'emploi des 15 à 64 ans s'est établi à 68,4% en 2023, en dessous de la moyenne de la zone euro. "La cause principale de l'écart par rapport à nos partenaires, c'est la faiblesse du taux d'emploi des hommes de 55 ans et plus", a déclaré Pierre Moscovici.
"En 2023, une personne sur cinq âgée de 55 à 64 ans n'est ni en emploi ni en retraite [soit au chômage ou en arrêt maladie], soit 1,6 million de personnes sur les 8,5 millions de cette classe d'âge. La plupart subissent cette situation. Elle n'est pas choisie", a-t-il résumé.
En cause, a-t-il dit, "des disparités très importantes entre catégories socio-professionnelles, entre femmes et hommes et selon l'état de santé des seniors concernés". "Pour les ouvriers, le recul de l'âge moyen de départ ne s'est traduit qu'à 66% par un allongement de la durée en emploi. Ce taux est de plus de 85% pour les professions intermédiaires et les cadres", a relevé l'ex-ministre socialiste de l'Economie.
Concernant les femmes et les hommes, "la réforme des retraites de 2010 [en reculant l'âge légal à 62 ans] a entraîné une augmentation de l'emploi après 60 ans pour les deux populations mais davantage à temps partiel pour les femmes", a-t-il encore noté. Le relèvement de l'âge légal de départ à la retraite doit donc prendre en compte les difficultés concrètes liées aux discriminations à l'embauche ou à la formation, préconise la Cour, qui a remis ses conclusions à François Bayrou et aux partenaires sociaux.
"Le statu quo en matière de financement du système des retraites est impossible"
Cinq organisations patronales (Medef, CPME) et syndicales (CFDT, CFTC, CFE-CGC) participent encore au "conclave" sur les retraites depuis que le Premier ministre a jugé impossible le retour à 62 ans de l'âge légal, poussant la CGT, après FO, à claquer la porte des négociations. Le sujet des mesures d'accompagnement figure au menu des discussions entre les partenaires sociaux qui s'efforcent de s'entendre sur une feuille de route commune en dehors du cadre fixé initialement par le gouvernement, lequel leur a donné jusqu'au mois de juin pour délivrer leurs recommandations.
Le président du Medef, Patrick Martin, a toutefois prévenu qu'avant l'examen "d'autres sujets", "il faut d'abord qu'on s'accorde sur l'équilibre financier", objet des réunions des prochaines semaines. Selon un premier rapport de la Cour des comptes consacré à la situation financière du système, le déficit du régime des retraites français atteindra 6,6 milliards d'euros en 2025, se stabilisera jusqu'en 2030 puis montera à 15 milliards d'euros en 2035 et 30 milliards en 2045 sous l'effet de la hausse continue du nombre de retraités et du montant moyen de leurs pensions.
"J'espère que ces négociations seront conclusives et productives car s'il y a un message (...), c'est que le statu quo en matière de financement du système des retraites est impossible", a réaffirmé jeudi Pierre Moscovici, réitérant sa mise en garde lancée lors de la parution du premier volet de la "mission flash" en février.