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Retraites: ce que l'on sait de la réforme que doit présenter le gouvernement

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Le gouvernement dévoilera le 10 janvier les détails de sa réforme des retraites mais les principaux points sont déjà connus. L'âge de départ légal sera repoussé de 62 à 64 ou 65 ans et la génération 1961 sera la première concernée.

Ce ne sera finalement pas le 15 décembre, mais le 10 janvier que le gouvernement présentera sa réforme des retraites. Ce projet, dont les grandes lignes sont connues, est déjà contesté par l'ensemble des syndicats, l'opposition et même par une partie de la majorité. Cette réforme est déjà considérée comme potentiellement "explosive".

L'âge de départ légal à 65 ou 64 ans

L'exécutif a déjà commencé à préparer les esprits, multipliant les entretiens à la presse, les réunions de travail à Matignon et les dîners au sommet à l'Elysée. Mais le plan est couru d'avance, balisées par la promesse présidentielle de repousser l'âge légal de 62 à 65 ans.

Un report à 64 ans est désormais évoqué, mais avec une contrepartie: l'augmentation de la durée de cotisation. Pour le chef de l'Etat, la hausse de l'âge de départ va permettre de ne pas augmenter les cotisations, ni réduire le montant des pensions.

Dès la génération "61"

Cette réforme concernera ceux qui sont à la veille de prendre la retraite, contrairement à la précédente qui épargnait ceux qui étaient à moins de cinq ans. La première génération concernée est celle de la seconde moitié de l'année 1961, une population qui pouvait théoriquement mettre fin à sa carrière professionnelle dès l'été prochain.

Tout le monde sera concerné, y compris les carrières longues. Ceux qui ont commencé à travailler avant 20 ans et qui espéraient partir à 60 ans devront travailler deux années de plus soit à 62 ans.

En compensation, le montant minimum de la pension des nouveaux retraités sera porté à 1200 euros pour ceux qui ont des carrières complètes. Concernant la pénibilité, ceux qui ont été sortis du dispositif lors du dernier quinquennat (postures pénibles, manutention de charges lourdes...) seront réintroduits. Le gouvernement a aussi prévu de mettre un index des séniors pour surveiller le comportement des entreprises en matière de formation et le recrutement des plus de 55 ans.

Le calendrier

Le gouvernement ne veut plus perdre de temps, mais en même temps donner du temps aux concertations. Ce projet qui devait être présenté le 15 décembre sera finalement présenté le 10 janvier a dévoilé Emmanuel Macron ce lundi. Les concertations avec les organisations syndicales et patronales démarreront le 2 janvier. Le but reste une entrée en vigueur de la réforme pour l'été 2023.

Entre temps, le texte passera par les deux chambres, Assemblée nationale et Sénat. Si aucune majorité ne se dégage, ce qui semble être probable, le gouvernement compte recourir à l'arme constitutionnelle du 49.3 pour la faire passer sans vote. Cette urgence est justifiée par le retour durable de déficits massifs, qui dépasseraient 12 milliards en 2027.

L'arme du 49.3

La bataille promet d'être rude à à l'Assemblée. Tous les partis d'opposition sont contre et même à l'intérieur de la majorité, le projet provoque de fortes réticences. François Bayrou, président du Modem, estime que le travail de pédagogie n'a pas été fait.

La cheffe des députés LFI, Mathilde Panot, jure de le "combattre pied à pied" avec une pluie d'amendements. Marine Le Pen (RN) a fait connaître son "opposition absolument totale sur le fond" de la réforme. Les chefs des différents groupes parlementaires seront à nouveau reçus à Matignon entre lundi et jeudi matin.

Coalition syndicale

Aucun syndicat n'accepte cette réforme, pas même la CFDT qui a durci sa position sur le sujet lors de son dernier congrès en juin. Depuis, son leader Laurent Berger martèle son opposition à toute "mesure d'âge" et met en garde contre une "réforme dure" qui provoquerait une "réaction sociale tout aussi déterminée".

Son homologue de la CGT, Philippe Martinez, enjoint aussi l'exécutif à "prendre ça au sérieux", mais sans se faire d'illusion: "Ils sont obstinés". Ses troupes savent aussi se montrer coriaces, comme l'ont rappelé les récents blocages de raffineries. Sur fond d'inflation record et de revendications salariales, les coups de semonce ont également touché les industries électriques et gazières, ainsi que la RATP, dont les régimes spéciaux sont dans le collimateur du gouvernement.

Ces avertissements réveillent le spectre du conflit social de l'hiver 2019-2020, auquel s'étaient ralliés cheminots, routiers et dockers, entre autres. Mais les stratèges syndicaux attendent le bon moment pour en découdre. Les huit centrales nationales (CFDT, CGT, FO, CFE-CGC, CFTC, Unsa, Solidaires et FSU) ont prévu de se réunir dans la foulée des annonces d'Elisabeth Borne, pour caler leur riposte autour de la date de présentation du projet de loi en Conseil des ministres - le 10 janvier a confirmé Emmanuel Macron ce lundi.

La réforme de trop?

La France a connu depuis une trentaine d'années une série de grandes réformes de ses systèmes de retraite pour répondre au vieillissement de la population et à la dégradation financière de ses caisses.

En 1991, un Livre blanc met en évidence les difficultés financières à venir des régimes et préconise d'allonger la durée de cotisation de 150 à 168 trimestres pour bénéficier d'une retraite à taux plein. En 1993, le gouvernement Balladur porte de 37,5 ans à 40 ans (de 150 à 165 trimestres) la durée de cotisation dans le privé pour une retraite à taux plein. Le montant des retraites est désormais calculé sur les 25 meilleures années de la vie active au lieu des 10 meilleures

En novembre 1995, sous la présidence de Jacques Chirac, la réforme de son Premier ministre Alain Juppé ne passe pas. Elle visait à réformer le régime des retraites des agents de l'État et des services publics. Pendant près d'un mois, les transports publics sont bloqués par des grèves.

En 2003, la réforme de François Fillon, ministre des Affaires sociales du gouvernement Raffarin, complète celle de Balladur, portant la durée de cotisation à 40 ans pour les fonctionnaires. Elle provoque grèves et manifestations. Elle n'est acceptée que par la CFDT.

En 2007, la réforme de Nicolas Sarkozy concerne les régimes spécifiques des sociétés de service public (EDF, GDF, SNCF, RATP, Banque de France, etc.) ainsi que les professions à statut particulier (clercs de notaires, élus et employés parlementaires). Pour ces salariés, la durée de cotisation passe à 40 ans.

La réforme Woerth de 2010 met fin au principe de la retraite à 60 ans. L'âge légal de départ est reculé de deux ans, passant progressivement à 62 ans. Il en va de même pour l'âge du départ à taux plein (67 ans en 2022). La réforme étend le dispositif carrières longues à ceux qui ont commencé à travailler à 17 ans, permettant des départs anticipés.

En 2014, la réforme de Marisol Touraine, ministre des Affaires sociales sous la présidence de François Hollande, inscrit dans le temps le principe de l'allongement de la durée de cotisation pour l'obtention d'une retraite à taux plein. Elle est relevée d'un trimestre tous les trois ans de 2020 à 2035 pour atteindre 172 trimestres (43 ans) pour les générations 1973 et suivantes. Un compte personnel de pénibilité est instauré pour permettre à ceux qui exercent des métiers difficiles d'anticiper leur départ.

Pascal Samama et Caroline Morisseau avec agences