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Les cotisations des assurances santé et mutuelles risquent d'augmenter encore plus: les organismes dénoncent la surtaxe de 1 milliard d'euros dans le budget

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Le projet de loi de financement de la Sécurité sociale est moyennement accueilli par les fédérations de complémentaires santé. Les organismes déplorent la taxation des contrats et les transferts de charges, malgré la perspective d'une refonte du contrat responsable espérée de longue date.

Préparez-vous à payer plus cher votre mutuelle l'année prochaine. Et pour cause: le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) prévoit, à son article 7, de taxer, "pour la seule année 2026" et "au taux de 2,05 %", l'ensemble des cotisations collectées par les organismes complémentaires. Si les fédérations du secteur ne sont pas surprises, elles dénoncent fermement cette mesure.

"Aujourd'hui, on a un niveau de taxation autour de 14%, on sera donc à 16% l'année prochaine. En fait, c'est une TVA sur la santé. C'est vraiment la plus mauvaise façon de nous faire contribuer", confie à BFM Business, Séverine Salgado, directrice générale de la Fédération nationale de la Mutualité française (FNMF).

La menace de Catherine Vautrin

En réalité, le gouvernement Lecornu II met à exécution la menace de Catherine Vautrin. Alors ministre en charge de la Santé en début d'année, elle avait annoncé une surtaxe de 1 milliard d'euros pour compenser les hausses de cotisations décidées par les mutuelles et assurances pour l'année 2025.

"Les augmentations étaient "de l'ordre de 6%, par anticipation d’une hausse du ticket modérateur (reste à charge après remboursement de l'Assurance maladie, NDLR) des actes médicaux et des médicaments, annoncée par le gouvernement, qui n’a finalement pas été mis en œuvre. Pour autant, la progression des cotisations a été maintenue", est-il souligné dans l'exposé des motifs.

Un argumentaire contesté par de nombreux organismes, qui affirment ne pas avoir eu le temps de tenir compte de cette mesure défendue à l'époque par le gouvernement Barnier, les assurances et mutuelles actant les augmentations des cotisations de l'année suivante en octobre, soit avant l'examen et l'adoption du PLFSS.

"Contrairement à ce qu'affirme le gouvernement, chez Malakoff Humanis, nous n'avions pas intégré la hausse du ticket modérateur. Et pour les contrats individuels de santé, on a même prévu une remise d'un mois qui sera effective en décembre 2025, preuve qu'on redistribue les cotisations à nos assurés", clame Alain Gautron, vice-président du groupe Malakoff Humanis et du centre technique des institutions de prévoyance (CTIP).

Les cotisations vont encore grimper en 2026

Il n'empêche: le gouvernement justifie aussi cette surtaxe par les différentes augmentations des cotisations des assurances santé et mutuelles survenues ces dernières années. Les primes "collectées en 2021 ont progressé de 3,1% par rapport à l’année précédente, de 2,9% en 2022 et de 6% en 2023. Pour 2024, les organismes complémentaires ont annoncé une progression de leurs cotisations de l’ordre de 7%", avant la hausse moyenne de 6% cette année, est-il soulevé dans le PLFSS.

Face à ces hausses, le gouvernement pointe du doigt l'augmentation progressive, ces dernières années, de la part de l'Assurance maladie dans le remboursement des soins. "Le taux moyen de prise en charge" de la consommation de soins et de biens médicaux (CSBM) a progressé, passant de "76% en 2012 à 79,6%" en 2022. Ce qui impliquerait, proportionnellement, un recul de la participation des organismes privé d'assurance santé dans la couverture des dépenses engagées par les patients.

Mais avec la surtaxe de 1 milliard, il y a fort à parier que les primes augmenteront encore l'année prochaine. "La plupart des cotisations 2026 sont actées. Les mutuelles prennent en compte le contexte et l'évolution des dépenses de santé. Nous ne pouvons pas apprendre si tardivement des mesures d'une telle ampleur", commente Séverine Salgado.

"Autant l'an dernier, on n'avait pas pu le faire, autant cette année on a tenu compte de la surtaxe", affirme Pierre François, directeur prévoyance et santé de Swiss Life à BFM Business.

De son côté, Malakoff Humanis ne compte pas intégrer la surtaxe de 1 milliard dans le calcul des primes des adhérents. "Pour 2026, en ce qui concerne les contrats individuels, on a prévu de ne pas faire d'augmentation hors effet d'âge, ce qui donnerait des hausses autour de 1 ou 2%", confie Alain Gautron à BFM Business. En septembre, le cabinet Facts & Figures anticipait en tout cas une augmentation moyenne des cotisations des mutuelles et assurances santé de l'ordre de 3% en 2026, soit 3 points de moins qu'en 2025.

400 millions de charges supplémentaires au profit de l'hôpital

Si la surtaxe réclamée par Catherine Vautrin a pu être intégrée dans les calculs des organismes complémentaires, les assureurs et mutuelles n'ont pas anticipé un nouveau "transfert de charges", de l'ordre de 400 millions d'euros pour l'année prochaine, qui s'effectuera par la voie réglementaire, c'est-à-dire sans passer par la loi, au profit des établissements de santé. Et ça, les organismes ne l'avaient pas vu venir.

"Les 400 millions de transferts hospitaliers tombent d'un chapeau. On ne les a clairement pas anticipés dans le calcul des cotisations pour 2026", ajoute Pierre François.

Reste que le gouvernement n'a pas bien précisé ce qu'il entend par ces 400 millions de transferts de charge au profit des hôpitaux. "Ce n'est pas encore très clair, mais on pense qu'il s'agit du forfait journalier hospitalier qui va augmenter", suppose Séverine Salgado. Correspondant aux frais d'hôtellerie, restauration et pas directement aux soins, le forfait journalier, n'est pas du tout remboursé par l'Assurance maladie. Il est 100% pris en charge par les complémentaires santé dans le cadre du contrat responsable. Celui-ci coûte 20 euros par jour dans un hôpital ou en clinique, 15 euros par jour dans un service psychiatrique.

Vers une refonte du contrat responsable?

Pour faire digérer la pilule, le gouvernement tend toutefois la main aux fédérations. "Le périmètre des contrats responsables sera revu de manière à mieux en maîtriser le coût et de recentrer les prises en charge obligatoires sur les prestations les plus efficientes", a annoncé Bercy, dans le dossier de presse du PLFSS.

Cela fait belle-lurette que les organismes appellent à revoir le socle de garanties du contrat responsable, qui s'est élargi ces dernières années, notamment sous l'effet des transferts de charges sur les soins dentaires et de la mise en oeuvre de la réforme du 100% santé en optique, dentaire et audiologie. Alors qu'il avait été pensé et créé en 2004 comme un moyen de réguler les dépenses de santé, en fléchant le parcours de soins des patients, coordonné par le médecin traitant, le contrat responsable est désormais perçu par les assureurs comme un "outil de défausse" pour combler le trou de la Sécu.

"C'est bien qu'il y ait une prise de conscience du gouvernement qui semble enfin comprendre que l'augmentation des taxes et des garanties implique une hausse des cotisations", salue Séverine Salgado.

"Si on peut desserer les contraintes et proposer des garanties moins figées à nos adhérents, ce sera une bonne chose, d'autant que la plupart des modifications à apporter relèvent du réglementaire. On pourrait donc agir assez vite, sans passer par une nouvelle loi", ajoute la directrice générale de la Mutualité française. Néanmoins, il ne faudrait pas s'attendre à des effets concrets sur les montants des primes avant 2027.

Caroline Robin