L'Assurance maladie n'indemniserait plus avant le 8e jour: le plan du gouvernement pour réduire les arrêts de travail (et qui agace même les patrons)

Le gouvernement a dévoilé aux partenaires sociaux une première esquisse de la réforme d'indemnisation des arrêts de travail. - Msama Flic CC
Le gouvernement ravive les braises. D'après plusieurs sources contactées par BFM Business, la ministre du Travail et de l'Emploi, Astrid Panosyan-Bouvet, envisage bien un allongement du délai de carence des arrêts maladie, dans l'objectif de freiner les dépenses de la Sécurité sociale liées au versement des indemnités journalières.
Son cabinet a présenté le projet envisagé aux partenaires sociaux qui ont bien accepté l'invitation à échanger lundi 21 juillet, moins d'une semaine après la présentation du plan de redressement des finances publiques par le Premier ministre François Bayrou.
"Aujourd'hui, l'Assurance maladie intervient au quatrième jour de l'arrêt. L'objectif, c'est qu'elle ne verse des indemnités journalières qu'à partir du huitième jour, confirme le ministère à BFM Business. Mais tout cela est soumis à négociation avec les partenaires sociaux", assure-t-on.
D'après un document transmis aux partenaires sociaux lundi, que BFM Business a consulté, la ministre du Travail et de l'Emploi envisage en effet de "responsabiliser davantage les employeurs sur l'indemnisation des arrêts maladie pour freiner leur augmentation". Et ce, notamment en "transfér[ant] l'indemnisation des arrêts maladie entre le quatrième et le septième jour aux employeurs en contrepartie de mesures de responsabilisation fortes des salariés".
Vers un jour de carence ni rémunéré par la Sécu ni par l'employeur
Concrètement, la réforme d'indemnisation des arrêts de travail imaginée par le gouvernement prévoit que le premier jour de l'arrêt ne soit pas indemnisé, ni par la Sécurité sociale, ni par l'employeur ou son assureur. Autrement dit: il s'agirait de transposer la réglementation actuellement appliquée dans la fonction publique dans le secteur privé, en créant un jour d'ordre public qui imposera donc au salarié une baisse de ses revenus.
Les deuxième et troisième jours correspondront à de la carence "classique", c'est-à-dire qu'ils pourront être payés, ou pas, par les employeurs suivant les conventions collectives ou accords d'entreprises.
Mais la grande nouveauté, qui ne va pas ravir les organisations patronales, c'est que le gouvernement souhaite obliger les entreprises à rémunérer les salariés, au moins partiellement, entre les quatrième et septième jours de l'arrêt. A ce jour, sauf disposition collective ou accord d'entreprise plus favorable, les entreprises ne prennent pas en charge la carence de trois jours et ne versent un complément de salaire qu'à partir du huitième jour de l'arrêt de travail.
Ce n'est qu'à partir du huitième jour que l'Assurance maladie prendrait le relais... Avec un complément de l'employeur en plus? "Cela fait partie des points qu'il faudra clarifier avec les partenaires sociaux, puisque l'idée est de faire porter obligatoirement la charge aux employeurs pendant quatre jours avant l'intervention de la Sécu", souffle-t-on à BFM Business au sein du cabinet de la ministre du Travail.
Le patronat fermement opposé
Sans surprise, le projet du gouvernement n'est pas soutenu par les organisations patronales.
"Cela serait un vrai scandale, une véritable injustice, s'emporte Éric Chevée, vice-président en charge des affaires sociales de la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME). "Les chefs d'entreprise sont complètement démunis sur ce sujet, il faut plutôt agir sur les comportements des salariés", ajoute-t-il.
"Rien n'est tranché à ce stade, cela reste très hypothétique, il y aura d'autres rencontres avec le gouvernement, tempère-t-on au Medef. Traditionnellement, nous sommes opposés à tout transfert de charges car in fine, cela nuit à la compétitivité, à l'emploi et au pouvoir d'achat des salariés".
Pour autant, tout n'est pas forcément à effacer dans le projet esquissé par le ministère du Travail. Le Medef comme la CPME sont en effet pour l'instauration d'un à trois jours de carence d'ordre public, c'est-à-dire une période pendant laquelle le salarié en arrêt maladie n'est pas du tout rémunéré, ni par la Sécurité sociale, ni par son employeur. "Faisons ça et bizarrement, on va tous les voir revenir au travail!", insiste Éric Chevée.
Les syndicats remontés à bloc
Le ministère du Travail ne pourra pas non plus compter sur le soutien des syndicats représentatifs des salariés, d'autant que seules la CFDT et la CFTC ont bien accepté de rencontrer Astrid Panosyan-Bouvet. N'ayant pas digéré la pilule des annonces budgétaires du Premier ministre la semaine dernière, la CGT, FO et la CFE-CGC ont préféré décliner ces échanges dans l'immédiat et les reporter à la rentrée, alors qu'une mobilisation contre François Bayrou pourrait prendre forme.
Invitée de RMC ce mardi, la leader de la CFDT Marylise Léon a considéré que l'allongement à sept jours du délai de carence pour le versement des indemnités journalières par la Sécu serait "profondément injuste".
"Être malade, ce n'est pas un choix. On ne se met pas en arrêt maladie parce qu'on a envie de faire autre chose", a-t-elle réagi, s'insurgeant contre une mesure qui "ne fonctionne pas".
"Je n'ai pas l'impression qu'il y ait eu des études d'impact sur le sujet", soulève Jocelyne Cabanal, secrétaire nationale de la CFDT, spécialiste des sujets de prévoyance.
"Ce qui est extrêmement désagréable, c'est qu'il y a un focus sur ces arrêts courts. Or la durée de l'arrêt ne peut pas préjuger de sa légitimité ou de sa gravité. Quand vous exercez un métier qui implique des mouvements répétitifs, un court arrêt peut être nécessaire pour calmer les inflammations musculosquelettiques", insiste-t-elle.
Quant à l'instauration d'un jour d'ordre public pour les salariés du privé, la mesure pourrait être contreproductive: "il va se passer la même chose que ce qu'il se passe dans la fonction publique, plutôt que de retourner au travail au risque de vous remanger une journée non payée, vous prolongez votre arrêt si vous n'êtes pas totalement sûr d'être en état de reprendre le travail", pointe la syndicaliste.
Remontés à bloc contre le plan d'économies de François Bayrou, qui vise à générer 43,8 milliards d'euros d'économies dès 2026, huit syndicats - CFDT, CGT, FO, CFE-CGC, CFTC, Unsa, FSU et Solidaires - ont lancé une pétition ce mardi pour "exiger l'abandon immédiat" des mesures budgétaires, parmi lesquelles figurent notamment la suppression de deux jours fériés, le gel des prestations sociales, des salaires des fonctionnaires ou encore la désindexation des pensions de retraites.