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"Il fait comme si le mouvement social n'existait pas": les syndicats pas satisfaits de la réponse du président

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La lettre adressée par l'intersyndicale à Emmanuel Macron et la réponse du président de la République aggrave la crise entre les syndicats, l'Elysée et gouvernement à la veille de la 7e journée de mobilisation.

Alors que la réforme des retraites avance contre vents et marées, l'intersyndicale en a appelé à Emmanuel Macron pour l'abandon de la réforme des retraites en réclamant dès mardi une rencontre. Jeudi, une lettre adressée par coursier au Président de la république pour réclamer une rencontre.

"Ces mobilisations massives, partout en France et dans tous les secteurs professionnels du privé et du public ont reçu le soutien constant de la population française. Et pourtant vous et votre gouvernement restez silencieux devant l’expression de ce puissant mouvement social", regrettent les représentants de 13 organisations syndicales et fédérations d'étudiants. Ce silence "constitue un grave problème démocratique" et pourrait conduire "immanquablement à une situation qui pourrait devenir explosive".

"Dans l’urgence de ce moment, et la gravité de ses conséquences, les organisations syndicales constituant l’intersyndicale expriment, ensemble, la demande de vous rencontrer", poursuivent les syndicats.

"La porte de l'exécutif est toujours restée ouverte"

Depuis, pas de rencontre mais réponse de l'Elysée renvoyant les syndicats vers la Première ministre, Elisabeth Borne.

"La porte de l'exécutif est toujours restée ouverte" pour discuter de la réforme des retraites.

Cette dernière a également botté en touche en proposant à l'intersyndicale de rencontrer le ministre du Travail Olivier Dussopt.

"Si les organisations syndicales souhaitent évoquer certains points particuliers, la porte du ministre du Travail Olivier Dussopt reste toujours ouverte", a répondu la Première ministre lors de la séance des questions au gouvernement au Sénat qui s'est tenue mercredi 8 mars.

"Le gouvernement est toujours prêt et ouvert au dialogue", a-t-elle insisté, assurant de nouveau que c'est "dans la concertation et dans le dialogue que ce texte a été construit". Elle a également ajouté que la mesure d'âge n'est "plus négociable".

Ce point, qui était inscrit dans l'article 7 de la réforme a d'ailleurs été voté dans la huit de mercredi à jeudi.

"Je ne sous-estime pas le mécontentement"

Pour le sénateur Patrick Kanner, le refus de l'Elysée de rencontrer les syndicats est un affront et une preuve de ne pas tenir compte de leur rôle.

"Là-haut, à l'Elysée, on n'écoute pas", a lancé le sénateur à la Première ministre.

C'est Olivier Véran qui s'est chargé de répondre en rappelant le rôle de chacun dans une procédure démocratique.

"Le président de la République, il respecte les institutions et aujourd'hui c'est le temps parlementaire qui a cours", a répliqué aux syndicats le porte-parole du gouvernement Olivier Véran après le Conseil des ministres.

Face à la grogne des syndicats et ses répercussions politiques dans les assemblées, Emmanuel Macron a finalement répondu par courrier ce vendredi à la lettre de l'intersyndicale. À la veille de la 7e journée de mobilisation, la réponse du président risque de ne pas éteindre la grogne. Dans ce courrier, le président se dit à l'écoute tout en maintenant le cap de la réforme.

Je ne sous-estime pas le mécontentement dont vous vous faites le porte-parole comme les angoisses exprimées par de nombreux Français inquiets de ne jamais avoir de retraite", répond le chef de l'État en réaffirmant sa volonté d'aller au bout du projet de loi sur les retraites qu'il veut voir appliquer d'ici l'été.

"Je suis inquiet de cette réponse"

Pour la CFDT, la réponse d'Emmanuel Macron donne l'impression "qu'il ne s'est rien passé depuis le 10 janvier". Pour François Hommeril (CFE-CGC) Emmanuel Macron "fait comme si la terre n’avait pas tourné depuis deux mois".

Il "fait comme si le mouvement social n'existait pas. (...) Dans son courrier, il renvoie à l'argumentaire d'Elisabeth Borne du 10 janvier, mais il a été mis en pièces. Je suis très déçu et inquiet de cette réponse", a réagi François Hommeril en se disant "déçu et inquiet".

Le projet de réforme des retraites "perd peu à peu de sa légitimité politique", assure Laurent Escure, secrétaire général de l'Unsa, en réponse à la lettre d'Emmanuel Macron aux syndicats.

"Une réforme non votée à l'Assemblée nationale, qui ne peut plus être débattue correctement au Sénat avec l’usage du vote unique et Emmanuel Macron qui répond 'circulez, y a rien à voir'. Déjà très minoritaire dans le pays, ce texte perd peu à peu sa légitimité politique", affirme-t-il dans un tweet.

"Une vraie explosion sociale type gilets jaunes."

De son côté, la CGT estime qu'avec le vote bloqué la grogne sociale risque de s'aggraver. "C'est un 49.3 déguisé qui pousse à l'escalade de la colère", a déclaré à la presse Fabrice Coudour, secrétaire fédéral de la CGT Energie.

Pour Erik Meyer, secrétaire fédéral Sud-Rail, Emmanuel Macron "ne répond pas qu'aux syndicats. Il répond au peuple".

Les dernières manifestations ont réuni plus de 3 millions de personnes dans la rue, on en est à la 6e manifestation, il y a une grève reconductible dans plusieurs secteurs et on a un président de la République qui balaye ça du revers de la main" a déclaré Erik Meyer sur BFMTV.

Pour ce responsable, avec le vote bloqué du gouvernement, "on est dans un vrai déni de démocratie. Emmanuel Macron a-t-il conscience de ce qu'il se passe dans son pays? Avec le gouvernement, il prend le risque d'une vraie explosion sociale non maîtrisée (...) type gilets jaunes."

Pascal Samama
https://twitter.com/PascalSamama Pascal Samama Journaliste BFM Éco